SÉES
Au petit jour, le Général lance sur Sées le groupement Billotte, jusqu’ici tenu en réserve. Sées n’était pas notre objectif, mais celui de la 5e Division blindée: après Alençon nos axes s’infléchissaient sur Carrouges, traversant la forêt d’Ecouves. Sans renoncer à l’attaque frontale, le Général estime cet obstacle tel qu’on ne peut en venir à bout qu’en le débordant.
Le débouché Billotte est si inopiné que les chars de la 9e Panzer qui se portent aux lisières de la forêt pour interdire la route arrivent trop tard : ils n’attaquent plus que les éléments de seconde ligne, batteries de D.C.A. et ravitaillement.
A Sées même, atteint sans difficulté, le Général décide du temps suivant. Ignorant jusque-là la situation de la 5e Division blindée, il n’aurait pas hésité, si celle-ci avait été en retard, à gagner un temps sur l’ennemi en prenant Argentan. Voici cependant, arrivant en même temps que nous sur la grand’place qu’anime déjà toute la population mêlée à nos chars, quelques-uns de ses officiers.
Argentan redevient automatiquement leur affaire ; et l’objectif assigné au colonel Billotte, lui aussi sur la route nationale si vitale pour l’ennemi, est Ecouché, 10 kilomètres à l’ouest qui commande également un pont sur l’Orne.
Billotte (sous-groupement Warabiot) marchera par la route directe, via Mortrée, Saint- Christophe. Son autre sous-groupement, Putz, empruntera d’abord la Nationale 808 jusqu’à Tanville : le Général n’oublie pas qu’il a la responsabilité de la forêt, et il en marquera ainsi toute labordure nord.
De Tanville il doit rejoindre Ecouché par Le Cercueil et Boucé.
(La 2e DB- Général Leclerc -En France – combats et combattants – 1945)
La colonne qui s’est engagée dans la trouée de Sées, rentre dans la ville de Sées, sans qu’un obus ait été tiré sur la ville.
Le général arrive à son tour. Il est debout, au centre de la place, devant la vieille cathédrale, s’appuyant sur sa canne. Un état-major où se mêlent les coiffures de toutes les armes, l’entoure. Tandis que les chars traversent la place dans un fracas terrible de chenilles, les cris de la foule, partant des fenêtres, des rues, de la place, montent vers lui.
Svelte, élancé, la silhouette jeune et le regard énergique, il sourit à la foule, à la ville libérée, au succès, oubliant pour quelques instants ses responsabilités, puisant dans la chaleur de cet accueil, un réconfort pour les tâches qui l’attendent.
Et la foule n’en revient pas, de l’avoir vu d’aussi près, et de l’avoir trouvé si simple ! Mais il est déjà reparti, avant qu’elle soit revenue de son éton-nement.
Le lendemain, le 2e D.B. est à Ecouché et de vant Argentan, à vingt-cinq kilomètres de Falaise et des lignes anglaises. Elle a bousculé les deux Panzers, jetées à sa rencontre et atteint tous ses objectifs.
( Extait de : Raymond MAGGIAR- “Les fusiliers Maris dans la Division Leclerc” – Albin-Michel 1947)