GRUGÉ-L’HÔPITAL
Jeudi 27 Juin 1940
Cette borne ne porte pas de numéro et n’est pas liée à un haut fait militaire de la 2e division blindée.
C’est en effet dans cette petite mairie que, le 27 juin 1940,
le capitaine de Hautecloque s’est fait délivrer les faux papiers
qui feront de lui Philippe Leclerc,
combattant de la Résistance ralliant le général De Gaulle à Londres.
JUIN 1940 : Ayant échappé 2 fois à la captivité, blessé à la tête, le capitaine De HAUTECLOCQUE trouve refuge à Paris, où il a connaissance, le 25 juin, de l’action et des allocutions du général de Gaulle à Londres. Le vendredi 26 juin au matin, soigné, habillé, ayant pris soin d’aller chez le coiffeur, il quitte Paris dans la voiture personnelle de M. Jung, chef de service du bureau de Paris des établissements de Wendel.
Le vélo volé aux Allemands à Étaules est soigneusement amarré au véhicule.
Le 26 au soir, étant passé par Le Mans, il arrive au château de Champiré où réside sa sœur Yvonne de Bodard de la Jacopiere, avec son mari et ses enfants, sur la commune de Gruge-l’Hôpital, à quinze kilomètres au nord-ouest de Segré.
Il y apprend que sa femme et ses enfants venant de Tailly s’y sont arrêtés et en sont repartis le 23 pour Les Vergnes.
Dans la soirée du 26, il entend une émission radio du général de Gaulle, à Londres.
Il arrive de Paris. Il porte au fond du cœur la vision horrible de la soldatesque allemande dans les rues de la capitale, sur les Champs-Elysées où les troupes allemandes défilent. Il a vu, la veille et l’avant-veille, les habitants de Paris prêts à s’aplatir devant les vainqueurs. Il a, gravé dans sa mémoire, le mépris avec lequel, dans ses moments de captivité, un de ses interrogateurs a parlé de la France, pays où les pères de familles nombreuses n’ont pas même le cœur de défendre le Vaterland, la patrie de leurs enfants.
Il a surtout, au fond du cœur aussi, le souvenir d’une conversation entre officiers allemands – pas des SS, des officiers de la victorieuse Werhmacht, coupant d’un vigoureux « coup de faux » la France du Nord de Sedan à Abbeville.
Ces officiers parlent librement entre eux; derrière une cloison mince, sans doute vers Bohain, il entend dans un allemand dont il ne perd pas un mot :
– Que pensez-vous d’un pays qui s’effondre ainsi?
– C’est un pays fini… Nous effacerons de la carte d’Europe jusqu’au nom de la France… Nous nous arrangerons pour que jamais elle ne se relève et l’Allemagne retiendra l’année de cet anéantissement comme une année de joie.
Officier sans responsabilité de commandement ni hommes sous ses ordres, il est libre.
Le 26 juin 1940 au soir, il prend une décision : il rejoindra de Gaulle.
(Général Jean Compagnon – Leclerc – Maréchal de France)