VOYER
Mardi 21 novembre 1944
Historique 12e R.C.A.
(Extrait)
Le chef d’escadrons MINJONNET fut promu lieutenant-colonel le 11 novembre 1944.
Le 12 novembre, après une valse-hésitation du commandement américain, LECLERC obtint enfin sa mission : Libérer la plaine d’Alsace, s’emparer de Strasbourg avec la 2 e D.B, et rejeter l’ennemi au-delà du Rhin.
L’attaque alliée vers l’Est se remit en marche le lendemain à l’aube sous un ciel gris et de gros flocons de neige.
LECLERC donna mission au GTL.
Le Groupement Tactique LANGLADE devait opérer dans un couloir entre la N4-Sarrebourg-Saverne exclue et les contreforts des Vosges.
À son feu vert, pour le prochain bond, il devait progresser en vitesse maximum sur deux axes en direction générale de Saverne.
Le sous-groupement MINJONNET reçut son itinéraire : Tanconville – Lorquin –Phalsbourg – Saverne, avec un corollaire : la vitesse.
Dans la nuit, la neige était tombée, tout était blanc.
Le jeudi 16, en cours de progression sur une mauvaise route encombrée d’abattis piégés, à Mignéville (54), le chasseur Paul LÉVY de l’E.H.R. fut tué par des éclats d’obus.
Les 17 et 18 novembre, le sous-groupement au complet, en flanc garde Ouest d’une Division d’Infanterie, gagna le village de Domèvre, partiellement détruit, fortifié par les Allemands de formidables abattis d’arbres… couplés avec des mines, mais qu’ils avaient déserté.
Le Génie vint effectuer, à chaque barrage, une brèche pour le passage des chars.
La VorVogesen Stellung était percée, l’ennemi décrochait sur tout le front !
Le 19 et le 20 novembre, par un froid humide, le feu vert de progression vers l’Est fut donné par de LANGLADE.
MINJONNET et son sous-groupement se déplaçant sur des petits chemins à peine carrossables, en colonne pour ne pas s’embourber, Montigny –Badonviller – Bréménil – Parux – Cirey sur Vézouze dont le pont était resté intact, bousculèrent quelques éléments ennemis à Bertrambois, dont une arme antichars.
Puis, ils furent stoppés aux lisières de Niderhoff défendues par une solide garnison disposant de moyens canons.
La nuit tombant, MINJONNET décida de remettre l’attaque au lendemain.
Dès 7 heures du matin, l’attaque reprit sur les deux villages voisins de Niderhoff et de Fraquelfing.
Le binôme char-infanterie joua à merveille pour déborder les défenses et investir Niderhoff, renverser les barricades défendues par des canons de 20, nettoyer le village, dont plusieurs maisons brûlent, et conserver les ponts intacts.
Au bilan : un canon de 88 détruit, 2 canons de 20, un mortier, 2 camions, 60 prisonniers.
En vue de Voyer, des obus d’artillerie, d’automoteurs pleuvaient à cadence rapide, dont les éclats blessèrent plusieurs chasseurs, et notamment l’Aumônier du 12 e RCA, le Révérend Père de GEVIGNEY blessé au visage par un éclat d’obus, qui reçut les premiers soins sur place par le Médecin sous-lieutenant CONILL, puis fut évacué vers l’hôpital américain implanté à Lunéville pour y être opéré.
Il fallut traiter les automoteurs allemands et l’infanterie qui tiraient des premières maisons du village de Voyer.
Marsouins et Cavaliers étaient à l’œuvre… À cause du mauvais temps, l’intervention de l’aviation avait été refusée.
Par des attaques brutales, bien entreprises, des Sherman appuyant les groupes portés du RMT, le village fut complètement investi en fin de journée et MINJONNET décida d’y passer la nuit.
Là encore, l’ennemi laissait beaucoup de matériel dans cette attaque, 3 automoteurs de 88, 1 canon de 105, 4 canons de 155, des mortiers, 3 camions, 8 voitures hippomobiles.
Sans compter de nombreux tués, le sous-groupement fit 48 prisonniers.
Concernant le 12e RCA, furent tués lors de ces engagements : le chasseur Pierre BOULANT de l’E.H.R. et le MDL/Chef René TESTA du 3e escadron d’un tir de mitrailleuse lourde.
Reprenant sa marche en avant dès l’aube du 22 Novembre, le sous-groupement MINJONNET traversa Hartzviller, pour buter sur les défenses allemandes de Guntzviller, que les obusiers du 12e RCA et l’artillerie prirent à leur compte pour dégager l’axe de marche.
Une arme antichars allemande placée au-delà du village d’Arzviller, par une série de tirs avant d’être neutralisée, fit un mort par éclats d’obus, le chasseur Edmond JUIF et blessa le lieutenant Alfred CANEPA, le MDL Alfred HEURTAUX et le chasseur Félix FOURNIER, tous du 1er escadron.
Passant, tous feux éteints, par le chemin très étroit en lacets de Dabo, entre ravin et montagne, considéré inaccessible par les Allemands, le GTL prit à revers la défense ennemie, qui prise de panique, se rendit.
Puis, dépassant Dabo, le sous-groupement s’installa en défense pour passer la nuit à Obersteigen, aux portes de l’Alsace.
Sous Groupement MASSU
La journée du 20 novembre va se révéler décisive.
Sur l’axe D, le plus au sud, Massu livre toute la nuit du 19 au 20 et la matinée du 20 un dur combat d’infanterie contre le barrage allemand qui interdit sa progression.
Il déploie largement toute l’infanterie donl il dispose dans les bois adjacents et il se fait solidement appuyer par l’artillerie.
Il réussit dans la matinée du 20 à faire tomber la résistance allemande débordée de pan et d’autre par ses fantassins.
Il atteint le pont sur la Sarre Blanche dont il s’empare, intact, sous le feu de l’artillerie allemande.
Les pertes en tués et prisonniers allemands sont considérables.
Lui-même subit des pertes notables.
Une fois de nombreux abattis déplacés et franchis, il trouve la route libre.
II rattrape une colonne allemande en retraite qu’il décime.
Toujours sous une affreuse pluie, mais aspiré par le vide de la route, Massu franchit le carrefour de Rehthal.
L’itinéraire de Dabo paraît, en fin de journée du 20, ouvert pour le lendemain.
Minjonnet, sur l’axe C, se heurte à de solides résistances à Niderhoff et à Voyer.
Il doit combattre durement pour les faire tomber.
Au nord, le GTD commence lui aussi le 20 son exploitation à partir du pont de Xouaxange conquis intact par la 44e DI US.
Le sous-groupement Quilichini bouscule les résistances rencontrées et atteint le soir Sarraliroff au nord de Sarrebourg.
Le sous-groupement Rouvillois fonce à partir de 14 heures droit au nord par des petits chemins; il détruit les résistances allemandes, fait des hécatombes et réussit à s’emparer à Oberstinzel du pont sur la Sarre au moment même où l’artificier allemand allait le faire sauter.
La progression reprend à allure de course.
Au soir le détachement de tête fait irruption et s’installe dans le gros bourg et carrefour routier de Rauwiller.
Toute la nuit des véhicules allemands, ignorant la présence française, viendront s’empiler, détruits, aux quatre entrées du village.
Le 20, à 16 heures, Leclerc donne l’ordre au GTV de s’engager sur la route de Dabo, derrière le sous-groupement Massu, de le prendre à ses ordres, de l’appuyer et de pousser au maximum sur l’axe D.
Le sous-groupement Minjonnet, arrêté devant Voyer, quittera l’axe C trop bien défendu, rejoindra l’axe D au carrefour de Rhethal et suivra lui aussi la route de Dabo.
Au GTD parti vers le nord, Leclerc fait parvenir seulement l’ordre suivant :
“Poussez le maximum de vos moyens sur l’axe qui devant vous cède. Passez les Vosges et rabattez-vous sur Saverne que je compte attaquer par le sud.”
Au groupement R renforcé d’un bataillon de la 79e DI qui serre derrière au plus près, il confie de garder les arrières de la route de Dabo.
Durant la nuit du 20 au 21, le GTV suit et rejoint tous phares allumés, par une nuit noire et une pluie dense, le sous-groupement Massu.
Le but de Leclerc est de faire passer au-delà des Vosges le maximum de moyens pour mener ensuite la bataille de Strasbourg; auparavant, attaquer Saverne par derrière, ouvrir le col avec les divisions d’infanterie du XV corps et s’assurer une ligne de communication et de renforcement indispensable pour aller sur Strasbourg.
La journée du 21 donnera, sur les itinéraires nord et sud, la possession de deux passages au travers des Vosges.
Au sud, Massu reprend sa progression sur Dabo qu’il dépasse vers 10 heures après un bref combat.
Il franchit le col du Valsberg (692 m) vers midi. Il débouche dans la plaine d’Alsace et remonte au nord en direction de Saverne jusqu’à Reinhardsmunster atteint avant la nuit.
Le GTV qui suit Massu s’étale sur les pentes des Vosges face à l’Alsace.
Au nord, le sous-groupement Quilichini est arrêté, comme prévu par Leclerc, par une solide défense allemande devant Phalsbourg.
Pendant ce temps, Rouvillois reprend sa progression.
Il livre un dur combat à Schalbach.
Il décide de quitter son axe et de déborder largement au nord, par le col de la Petite Pierre qu’il connaît bien pour avoir été en garnison en Alsace avant la guerre.
Il utilise ainsi à plein la liberté d’initiative donnée par Leclerc dans son ordre d’opération.
Bousculant des résistances allemandes surprises à Siewiller et Ottwiller, il atteint vers 16 heures les abords de la Petite Pierre.
Il y rencontre une solide résistance.
Le détachement de tête appuyé par un tir fusant haut réussit à prendre la Petite Pierre à la nuit tombante alors qu’il est à deux doigts de tomber en panne de carburant, n’ayant pu être ravitaillé depuis le franchissement du canal de la Marne au Rhin.
Des centaines de prisonniers sont faits dans la citadelle de la Petite Pierre.
Le sous-groupement Didelot serre derrière le sous-groupement Rouvîllois dans une région qui fourmille d’Allemands surpris.
Pour la journée du 22, l’intention de Leclerc est d’attaquer par l’est la trouée de Saverne et de faire tomber les défenses de Phalsbourg en les prenant à revers.
Le GTL, avec ses deux sous-groupements Mînjonnet et Massu, monte vers Saverne par deux itinéraires parallèles sur les pentes est des Vosges. Minjonnet atteint les abords sud-ouest de Saverne vers 13 heures et prend aussitôt la route de Phalsbourg.
Il livre un dur combat devant Quatre-Vents jusqu’à la nuit.
La liaison avec la 44e DI US venant de Phalsbourg sera prise le 23 novembre à l’aube.
Le col est ouvert à la circulation alliée.
Le sous-groupement Massu descend sur l’est de Saverne : il est vers 14 heures au carrefour de la Faisanderie, à 5 km est de Saverne.
Il y fait sa jonction avec les éléments de tête du sous-groupement Rouvillois venant du col de la Petite Pierre.
On croirait le rendez-vous Massu-Rouvillois derrière Saverne prévu au chronomètre.
En effet, dès l’aube, Rouvillois a dévalé à vive allure les pentes est des Vosges.
Il atteint sans difficulté dans un paysage grandiose, enfin sans pluie, Weiterswiller.
Il se rabat alors droit au sud et rencontre au village suivant, Neuwiller, une résistance solide à base de 88.
Il la bouscule à coups de mortiers et la déborde largement par Bouxwiller.
La progression est rapidement reprise en direction de Steînbourg et du carrefour à 5 km est de Saverne, sur la route de Brumath et Strasbourg.
Pendant que Massu nettoie Saverne et y fait de nombreux prisonniers, Rouvillois pousse ses éléments de tête sur la route conduisant à Brumath et Strasbourg jusqu’à Wilwisheim à 15 km est de Saverne.
Ainsi le 22 au soir, le col de Saverne est prêt d’être rouvert à la circulation et cinq sous-groupements de la division sont étages sur les pentes orientales des Vosges, face à la basse Alsace.