67440 – Château de BIRKENWALD



Château de BIRKENWALD 

Km= 1057 

 

Mercredi 22 novembre 1944

 

Le château de BIRKENWALD
PC du général LECLERC lors de la Charge sur STRASBOURG

 

 

 

A Reinhardsmunster, le général Leclerc surveille l’opération tenaille
par la Petite-Pierre et Dabo qui fera sauter le verrou de Saverne.
Musée du Général Leclerc et de la Libération de Paris / Musée Jean Moulin (Paris Musées)

 

 

 

Général Leclerc

 

Novembre 1944. Depuis des semaines, anxieuse, l’Alsace attend sa libération.

La deuxième division blindée (2ème DB), après avoir débarqué en Normandie et libéré Paris, puis une bonne partie de l’Est de la France, se trouvait immobilisée dans la région de Baccarat. Dès le 18 novembre, la percée des Vosges est entreprise : le sous-groupement Massu libère plusieurs villages et arrive à Dabo le 21 novembre au matin. De là, après plusieurs accrochages sanglants, la colonne blindée atteint Obersteigen et se divise en deux. Une moitié se dirige vers Birkenwald guidée par des réfractaires qui ont pris place sur les blindés. Parmi eux, Joseph Klein, garde forestier privé du Château, assurait aux éléments de tête que le village avait été évacué et guidait la colonne jusqu’au village.

Le Château de Birkenwald allait immédiatement servir de quartier général et, dès le soir du 21 novembre, un chef militaire encore inconnu des Alsaciens, le Général Leclerc de Hautecloque, s’y installa. Il y fêta son 42è anniversaire et commandera le lendemain l’attaque de Saverne et, le surlendemain, l’assaut victorieux de Strasbourg.

Le Général Bruhn, commandant de la défense allemande dans la zone de Saverne, a été arrêté et emmené au château de Birkenwald le 22 novembre.

Leclerc reçoit le 23 novembre à 10h30 le code « Tissu est dans iode » indiquant que le Sous-Groupement Rouvillois est entré dans Strasbourg. Il s’écrit alors : « Allez, on part! ».

La libération de Strasbourg constitue un double symbole. C’est l’aboutissement du serment de Koufra. C’est la libération de la capitale de l’Alsace annexée par le IIIe Reich.

Extrait de :  www.chateaudebirkenwald.fr/general-leclerc/

 

La 2e DB- Général Leclerc – En France – combats et combattants – 1945

 

La charge

 

.Le 21, Quiliquini repart à toute allure, direction Mittelbronn-Phalsbourg, face au centre de la position allemande, dont il a pu jauger sur les photos la solidité : elle comporte deux systèmes complets, un à hauteur de Mittelbronn, l’autre derrière Phalsbourg, chacun avec un fossé antichars continu couvert par deux réseaux de tranchées, boyaux, postes de guet, emplacements d’armes. Sur la deuxième position, l’ennemi a coulé du béton.
La charge enlève le premier système de tranchées. Les chars dévalent à contre-pente, traversent Mittelbronn, prennent sous leur feu le fossé. On peut voir encore le char Bourg-la-Reine tombé en pointe devant Phalsbourg, et, à l’ouest de Mittelbronn, au faîte du grand glacis qui offre au défenseur un si formidable champ de tir, mais qu’ils avaient tout entier traversé, les tombes de ceux du I/R.M.T., que les gens du village entretiennent pieusement.
Là fut tué le premier officier qui au début de 1943, aux confins tunisiens, s’était présenté pour la rejoindre à la colonne Leclerc arrivant du Tchad : le capitaine Boussion.
Le général Bruhn, qui commande la 553e Division de Volksgrenadiers et qui a décroché ce qu’il a pu de la région de Blamont, est hypnotisé par cette charge. Il ne songe plus qu’à garnir ses défenses et à y faire face : il doit tenir sur place, devant Saverne, et il sait ce que signifie cet ordre. Il n’aura plus la liberté d’esprit nécessaire pour regarder au nord ni au sud et il concentrera tout son matériel, qui est encore important, autour de Phalsbourg.
Au sud, on l’a vu, c’est Dabo.
Au nord, Rouvillois donne à son mouvement une ampleur accrue. Il abandonne délibérément, et d’accord avec le Général, l’axe A : par Siviller et Petersbach il se présente devant la Petite-Pierre.
Ce trajet le mène sur les arrières d’autres unités ennemies, celles qui depuis Morhange refluaient devant le XIIe Corps américain : 361e Volksgrenadiers et 11e Panzer. Le commandement allemand essaie de les rameuter, de raccrocher en hâte un dispositif au nord de Sarrebourg : Rouvillois tombe sur des artilleurs qui se mettent en batterie. Il commence son carnage qui englobe tant d’unités diverses, de services et d’Etats-Majors que notre Deuxième Bureau renonce à les démêler.


Le défilé de la Petite-Pierre, le village qui face à la France montre ses pittoresques mais difficiles escarpements, est fortement tenu. On fait donner le canon : pendant que les fusants s’étalent sur le paysage, les chars de Compagnon forcent la place. Le groupement va y passer la nuit.
Demain il repartira, débouchera au matin dans la plaine. Une pointe poussée sur Bouxwiller y fera un carnage, mais le gros s’infléchira plein sud. Encore un dur morceau à Neuviller, un convoi annihilé à Steinbourg. La pince se fermera vers le point assigné.

 

 

EXTRAIT de  “JOURNAL DE GUERRE” – Christian GIRARD
aide de camp du général LECLERC

 

 

Mercredi 22 novembre 1944 – Birkenwald

Le coup de dé est gagnant. Quilichini a buté sur Phalsbourg, mais Massu au sud et Rouvillois au nord ont atteint la plaine et ont convergé ce matin sur Saverne pour prendre les défenses à revers et ouvrir la porte de l’Alsace à Quilichini et au XVe Corps. Leur jonction a été opérée à 2 h. C’est une opération superbe.
Nous avons emprunté ce matin l’itinéraire Massu. Il est littéralement jonché de cadavres et de matériel abandonné. Des colonnes de prisonniers défilent sans interruption. Revers inévitable mais sans gravité, quelques 150 ennemis attaquent notre détachement de circulation ainsi qu’un petit bouchon installé à un des carrefours de cette invraisemblable ligne de communication qui serpente sur 30 km à travers la montagne. La 79e DI américaine doit venir l’occuper, mais son mouvement demandera un certain délai.
Il est satisfaisant pour l’esprit de penser que les deux grandes percées à travers les Vosges ont été réalisées à Belfort par la lère Armée française et à Saverne par la 2e D.B. Ceci devrait avoir un retentissement national profond.
Le Général a demandé aux Américains de marcher sur Strasbourg et ceux-ci le lui ont accordé. Il en a été heureusement surpris. Je crois bien d’ailleurs que, dans le cas contraire, le résultat aurait été le même. Haislip, qui nous comprend, doit s’en douter aussi.
C’est le dernier morceau. Il est de taille et nous sommes incertains sur ce que nous réserve la journée de demain. J’apporte au Général sa carte, préparée sur le grand panneau de campagne. Nous la considérons en silence.
Le morceau est beau… nous verrons bien…
Oui… Mais ça, ajoute-t-il avec un sourire décidé, iln’yapasd’hésitationpos-sible. Dussions-nous tous nous faire casser la gueule, il faut y aller.

 

Jeudi 23 novembre 1944 – Birkenwald

Birkenwald 8 h 30. Nous sommes encore à Birkenwald pour une heure, puis nous partirons vers Strasbourg derrière le CTV qui a débouché à 7 h 15.
L’après-midi d’hier a été longue dans cette gentilhommière ancienne, froide, démeublée et sombre.
Au 2e bureau, dans l’obscurité du bureau des secrétaires, j’aperçois une haute silhouette, d’allure très germanique, sanglée dans un long manteau de cuir luisant à épaulettes, tête nue, un visage dur, fermé. Dans la pièce voisine, j’interroge Betz. Son long visage fin a une moue indifférente :
Oh… un simple colonel… je n’aipas le temps… d’ailleurs nous attendons un général fait prisonnier du côté de Saverne.
Il a un geste de la main et se replonge dans ses papiers.
Une heure après, changement de tableau. Le grand Germain impassible n’est pas colonel, mais général, et c’est lui que l’on attendait. Il ne dit évidemment rien. Repiton le conduit au Général. Je vois passer dans le couloir à peine éclairé, derrière la silhouette penchée de Repiton, l’Allemand très droit, raide, toujours nu-tête. La porte de bureau s’ouvre et une vive clarté inonde le couloir. La lumière se reflète sur le manteau de cuir et fait briller les épaulettes rouges. Il entre, se met au garde-à-vous et incline légèrement le buste, froidement mais sans brusquerie. L’entretien est sans grand intérêt. L’Allemand reste impassible. Il reste convaincu de la supériorité de la race allemande. Cette guerre-ci, quelle qu’en soit l’issue, ne prouve rien. Après…
Il parlera un peu plus à Repiton, avec lenteur, par à-coups : La Tdivision française, car je suppose que vous êtes la 2 division française, elle marche vite, très vite… L’opération de Baccarat, une opération de premier ordre… Il porte des appréciations précises, froides. C’est entendu, nous avons bien joué, mais ils restent la race supérieure et les revers occasionnels ne signifient rien.
Le Général marche de long en large dans son bureau en chantonnant. Il est énervé, impatient. Cette attente est insupportable. Il voudrait savoir, foncer, être à Strasbourg, à Kehl, savoir si le pont sautera ou ne sautera pas, agir…

 

22 h – Strasbourg

Depuis cinq heures du soir, le P.C. est au Kaiserpalast, l’ex-kommandantur. Rouvillais est arrêté devant le pont de Kehl par des organisations trop fortes pour nous. Il n’est plus question de nous emparer du pont.
L’accueil des villages a été magnifique. Celui de la ville, mitigé. Nous y sommes arrivés tard, sous la pluie et dans une demi-obscurité.
Le Père Houchet a été très gravement blessé sur le chemin du pont de Kehl.