Jeudi 23 novembre 1944
Il est 10h30 ce 23 Novembre 1944 au QG de Leclerc, un motocycliste ruisselant de pluie remet un carré de papier jaune au général.
Quatre mots ont été griffonnés à la hâte: « Tissu est dans iode «
tissu : c’est le sous-groupement commandé par Rouvillois
iode : c’est le nom de code de Strasbourg.
Les détachement Briot et Lenoir traversent en trombe les faubourg de Schiltigheim (au nord de Strasbourg), pénètrent au centre ville où les tramways et les voitures allemandes circulent comme si de rien n’était.
Ils foncent vers le sud par la rue de la Nuée Bleue, passent devant la cathédrale, oblique vers l’est en direction du pont de Kehl.
En chemin, ils font 800 prisonniers, soldats et fonctionnaires.
Pendant ce temps, Rouvillois emprunte le chemin le plus direct pour s’assurer le contrôle du pont de Kehl/ l’avenue de la Forêt Noire. Au passage, il laisse le soin au sous-lieutenant Garnier d’obtenir la reddition de Kaiserpalast : le siège du gouverneur militaire de Strasbourg.
Responsable de Strasbourg la 2e DB n’a pratiquement pas d’infanterie pour tenir. Le pont de Kehl résiste, les forts de la ceinture tiennent, le gouverneur militaire-le général Veterrodt- s’est retranché avec 600 hommes dans le fort Ney protégé par les inondables de la Wantzenau.
Le centre de Strasbourg reste vide et… la présence muette de quinze mille civils allemands met une note de malaise .
Ce dernier à la nuit, s’en va à l’hôtel de ville trouver des autorités civiles qui pourront administrer la cité.
Ces hommes seront extrêmement efficaces observe-t-il.
Le Sherman M4A3 105 mm de l’escadron d’état-major du 12ème régiment de cuirassiers était commandé par le maréchal des logis Zimmer.
Son char sera détruit à proximité du pont de Kehl. Un autre char, le » Meknes « , sera détruit à ses cotés. Aujourd’hui, à l’emplacement de cet événement, un Sherman M4A3 75 mm baptisé » Cherbourg » rappelle cet épisode de la libération de Strasbourg.
Le 23 novembre 1944, heure par heure
1 h.- L’ordre écrit de l’état-major américain acceptant l’attaque sur Strasbourg arrive à la division. Le général Leclerc, commandant de la 2e DB, a tout fait pour éviter d’être obligé de progresser avec le 7e corps américain.
3 h.- Les unités reçoivent l’ordre final de la division.
6 h 30.- Les cinq sous-groupements chargés de prendre Strasbourg – Rouvillois, Massu, Cantarel, Putz et Debray – partent simultanément par cinq itinéraires différents. Plus au Nord, Dio couvre la division, au Sud c’est Rémy qui assure cette tâche.
8 h.- Le plus rapide sera Rouvillois, par l’itinéraire nord. Sa colonne, entraînée par le char Evreux, traverse Hochfelden en trombe. 8 h.- Place de la République à Strasbourg. Le gouverneur militaire allemand de Strasbourg, le général Vaterrodt, reçoit un mystérieux coup de fil. Il décide de quitter le palais du Rhin et de s’enfermer avec 600 hommes dans le fort Ney, entre Strasbourg et La Wantzenau. Court face-à! -face à Brumath
8 h 15.- Brumath. La colonne de Rouvillois rencontre un convoi allemand, qui s’enfuit après un court combat. 8 h 30.- Vendenheim. Pris par surprise, les sapeurs allemands n’ont pas le temps de faire sauter le pont de chemin de fer et celui de la Marne-au-Rhin, atteint par le sous-groupement de Rouvillois.
8 h 45.- La colonne blindée de Briot aborde la ceinture des forts. Pour elle, c’est le Desaix. Sur la crête, elle tire au canon de 105, et dégage la route au 75 et à la mitrailleuse. La résistance ne dure pas.
9 h 15, dans Schiltigheim –
9 h 30, place de Haguenau
9 h 15.- La colonne de Rouvillois est dans Schiltigheim.
9 h 30.- Les quatre autres sous-groupements sont freinés par les forts de défense de Strasbourg : Massu devant le fort Hoche, Cantarel sur le fort Pétain, Putz sur le Kléber et Debray sur le Joffre.
9 h 30.- Le sous-groupement de Rouvillois arrive place de Haguenau, à Stras! bourg.
9 h 35.- La colonne franchit la place de Pierre. Le maréchal-des-logis chef Janier, sous l’ordre de Rouvillois, lance à la radio le message « Tissu est dans iode » qui marque l’entrée des troupes françaises dans Strasbourg. Juste après, le char Le Metz fait sauter un camion de mines allemand : l’explosion fait aussi des victimes civiles et incendie deux immeubles boulevard Poincaré.
9 h 40.- Pont de Pierre. Robert Fleig, un civil qui a guidé la progression, conseille d’avancer en deux colonnes vers le pont de Kehl : au Nord par l’axe avenue des Vosges – avenue de la Forêt-Noire vers le pont d’Anvers ; au Sud par la cathédrale et la place de la Bourse jusqu’au pont Vauban. Pour le général Marc Duvot (2), c’est le lieutenant-colonel Langlade qui a ordonné : « Le pont ! » Place Broglie
9 h 45.- Place Broglie. L’Evreux débouche face à une traction noire occupée par deux hommes de la Gestapo. Une rafale de mitrailleuse tue les deux ! hommes et la voiture s’écrase contre la maison natale de Charles de Foucauld. Rouvillois veut le gouvernement militaire installé au palais du Rhin.
10 h 30.- Château du Birkenwald. Leclerc reçoit, enfin, le message de Rouvillois et se met en route.
11 h.- Les détachements envoyés au Sud, Briot et Lenoir, arrivent au pont Vauban à travers de nombreux fuyards, qui se précipitent vers Kehl. Ils font 800 prisonniers.
11 h.- Wolfisheim, fort Kléber. Putz franchit les fossés antichars sous le tir du fort. La route lui est ouverte vers Koenigshoffen.
11 h : Illkirch-Graffenstaden 11 h.- Illkirch-Graffenstaden. Les premiers éléments de la colonne Debray se regroupent devant l’église.
Vers 11 h.- Au Nord, le détachement Josse descend l’avenue de la Forêt-Noire. Le char Le Terrible est touché par un obus peu après le boulevard de la Marne. Le peloton Josse continue vers le pont d’Anvers et fait 250 prisonniers. Rouvillois à l’entrée ! du pont, à pied, crie aux Allemands : « Rendez-vous ! » Le pont du Petit-Rhin est atteint à midi.
Village mitoyen du Rhin, La Wantzenau fut évacuée pour un an à Saint-Yrieix-la-Perche, une bourgade du Limousin. La Wantzenau est liée à la libération de Strasbourg par deux faits historiques : – un wantzenauvien, Albert Zimmer, tué dans son char au port du Rhin lors de l’avancée en direction de Kehl. – la traversée du pont de l’Ill à La Wantzenau par le Général Leclerc pour contraindre le général Vaterrodt à signer la reddition allemande dans la forêt de La Robertsau le 25 novembre 1944.
ALBERT ZIMMER
Contexte historique
Fils d’un couple de restaurateurs installés à La Wantzenau, Albert Zimmer, né le 12 juillet 1922, fréquente l’école primaire de la commune.
A sa sortie, il intègre le collège Saint-Pierre-Fourrier à Lunéville (Meurthe-et-Moselle) où il est un excellent élève.
Néanmoins, très rapidement, la réalité familiale le rattrape et dès l’âge de quatorze ans, il entame un cursus à l’école hôtelière de Strasbourg avant d’être envoyé dans divers institutions à travers la France.
Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne.
La famille Zimmer est évacuée et s’installe à Dreux (Eure-et-Loire) avant qu’Albert la rejoigne pour finir ses études.
Après la défaite de juin 1940, elle revient à La Wantzenau.
Devant le régime nazi et son annexion de fait de l’Alsace, Albert Zimmer décide de s’évader d’Alsace.
Le 14 juillet 1941, il quitte ses parents et ses soeurs pour passer les Vosges par le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines. Il se rend à Saint-Dié-des-Vosges puis à Nancy. Caché dans un wagon de charbon, il parvient à franchir illégalement la ligne de démarcation et arrive le 23 juillet 1941 à Lyon.
Albert Zimmer rejoint Marseille pour y souscrire un engagement volontaire dans l’armée d’armistice car il souhaite avant tout s’engager dans une unité en poste en Afrique du Nord (AFN).
Le 20 août 1941, il embarque pour Alger et rejoint son affectation au 12ème groupe autonome des chasseurs d’Afrique (GACA).
En juin 1942, son instruction terminée, il est affecté au 12ème régiment de chasseurs d’Afrique à Thiès au Sénégal en Afrique Orientale française (AOF). C’est là qu’il fait la connaissance du major Rouvillois.
Le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent en Afrique du Nord.
En janvier 1943, le 12ème régiment de chasseurs d’Afrique quitte le Sénégal pour l’Algérie où l’armée américaine équipe l’unité avec du matériel moderne. Albert Zimmer suit de nombreux stages ainsi que les cours d’élèves sous-officiers. Il en sort major en juillet 1943 et il est aussitôt nommé maréchal-des-logis.
En octobre 1943, l’unité est rattachée à la 2ème division blindée (DB) du général Leclerc en cours de formation.
La mise en place se déroule près de Rabat (Maroc).
Le 12ème régiment de chasseurs d’Afrique est scindé et Albert Zimmer se retrouve affecté au 12ème régiment de cuirassiers. Il est sous-officier de liaison à l’état-major.
Entre avril et juin 1944, Albert Zimmer passe trois mois avec son unité au camp de West Lutton (Angleterre) pour parfaire son entraînement et son instruction. Suppliant le chef d’escadron Rouvillois, il parvient à se faire affecter comme tireur sur le char lourd Schermann Sarreguemines. Le 2 août 1944, l’unité débarque sur le sol français et, dès le 9, engage les premiers combats. Le 12, il participe à la libération d’Alençon (Orne) puis à celle de Paris le 25.
Le 8 septembre 1944, alors qu’Albert Zimmer devient tireur du char Saint-Denis II, la 2ème DB repart vers l’est. Mais, l’unité s’embourbe durant l’automne en Lorraine. Enfin, le 31 octobre 1944, après la prise de Baccarat (Meurthe-et-Moselle), la formation est mise en repos quinze jours à l’arrière du front.
Depuis le début des combats, le maréchal-des-logis Albert Zimmer s’est illustré en détruisant de nombreuses batteries ennemies et reçoit même une citation pour son engagement en août 1944. Avant le départ pour la libération de l’Alsace, il est nommé à la tête du char Cherbourg. Dans la nuit du 19 au 20 novembre 1944, le sous-groupement Rouvillois gagne le front américain et via La Petite-Pierre (Bas-Rhin) passe la nuit du 22 à Dettwiller (Bas-Rhin).
Le lieutenant-colonel Rouvillois (nommé le 11 novembre 1944) s’appuie alors sur les conseils du strasbourgeois Robert Fleig et s’engage sur la route de Strasbourg en évitant les barrages ennemis. La progression s’effectue par Mommenheim et Brumath (Bas-Rhin) jusqu’à la capitale alsacienne. Dans la nuit du 22 au 23, la colonne s’élance.
Guidé par Robert Fleig, le sous-groupement Rouvillois progresse dans Strasbourg à partir de la place de Haguenau et tente de contrôler les points névralgiques. Mais, malgré ce premier succès, le pont de Kehl reste le véritable objectif afin de lancer une tête de pont sur le Rhin.
Ce 23 novembre 1944, vers 16 heures, le maréchal-des-logis Albert Zimmer entame une avancée dans l’île entre le canal et le petit Rhin. Il se retrouve à la tête du détachement avec le char Cherbourg, juste derrière, la jeep avec le lieutenant Le Quellec et Robert Fleig. Néanmoins, la résistance des Allemands s’intensifie à mesure qu’ils se rapprochent du pont et touché en plein fouet par une charge de Panzerfaust, le char Cherbourg est immobilisé et prend feu. Albert Zimmer décède sur le coup peu après la mort de Robert Fleig.
Le 23 novembre 1945, une plaque commémorant l’exploit du maréchal-des-logis chef André Zimmer qui le premier atteignit le Rhin à Strasbourg est inaugurée face au pont de Kehl (Allemagne).
Albert Zimmer est cité à l’ordre de l’armée le 8 février 1945:
« Chef de char d’une bravoure maintes fois éprouvée. Après s’être distingué au cours des combats de la campagne d’Alsace et de la prise de Strasbourg, a été volontaire pour exécuter une patrouille audacieuse vers le pont de Kehl. A été mortellement frappé dans son char alors qu’il atteignait les bords du Rhin. »
Cette citation comporte l’attribution de la croix de guerre 1939-1945 avec palme.
Sources : http://museedelaresistanceenligne.org/
Eric Le Normand DVD-ROM: « La Résistance des Alsaciens », Fondation de la Résistance – AERI, 2016
Le Sherman « CHERBOURG » situé Route du Rhin à Strasbourg
rend hommage au maréchal des logis Albert ZIMMER
tué au commandement de son char le 23 novembre 1944
dans sa tentative de franchissement du Rhin
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