Décembre 1944 – Janvier 1945
Pour parer à la contre-offensive allemande déclenchée par le maréchal von Rundstedt entre Bitche et Wissembourg le 29 décembre 1944, la 2e DB (Division blindée) du général Leclerc est mise à disposition du 15e corps d’armée américain (15e CA US) et passe en réserve.
A partir du 31 décembre 1944, l’unité est relevée de sa mission (par la 1re DMI).
Au fur et à mesure de leur relève, les éléments de la 2e DB doivent se porter en Lorraine, vers leur nouvelle destination.
Les troupes de la 2e DB quittent Obernai (Bas-Rhin), jusque-là PC de l’unité, et se dirigent vers Troisfontaines (Moselle) (7 km sud-est de Sarrebourg) en passant par Weyer (Bas-Rhin) (10 km nord-est de Sarrebourg), nouveau PC principal de la 2e DB (Drulingen devenant le PC avancé).
Différents véhicules passent ou stationnent un temps dans les localités traversées.
Le 2 janvier 1945, le général Leclerc, qui prend le commandement du secteur, fait une tournée d’inspection de ses troupes en mouvement.
A l’arrivée à Troisfontaines, les officiers d’état-major se rendent aux ateliers de réparation de la 2e DB installés dans l’usine de verrerie – cristallerie de Vallerysthal
Préparatifs et ordres allemands pour l’opération Nordwind dans la région de Sarreguemines
L’attaque est prévue le 31 décembre 1944, à 23 heures. Les instructions pour la mission Achen, « Aufgabe Achen » (nom que donneront les Allemands plus tard à Nordwind au niveau local) sont données le 29 décembre. Le XIII SS Infanterie Korps doit pousser vers Rohrbach. Les missions des unités sont les suivantes :
– La 19. Volksgrenadierdivision attaquera entre Habkirchen et Bliesbruck, traversera la Blies, tiendra le secteur des fermes du Viesing et poussera jusque Zetting.
– La 36. Volksgrenadierdivision attaquera, en direction d’Achen, les forts de la Ligne Maginot et continuera vers le Sud. L’objectif est d’être maître de la Ligne Maginot le 1er janvier au matin.
– La 17. SS Panzergrenadierdivision Götz Von Berlichingen percera les lignes alliées à l’Ouest d’Erching, traversera la Ligne Maginot, puis, avec l’aide d’un groupe blindé, avancera vers Diemeringen et Drulingen.
Arrivée des renforts américains et du détachement de la 2e DB.
Des renforts américains issus de la 63rd Infantry Division, les 253rd Infantry Regiment et 255th Infantry Regiment sous l’appellation de Task Force Harris, sont acheminés dans la nuit du 31 au 1er janvier 1945 depuis Haguenau en Alsace vers les secteurs de Hambach, Siltzheim, Wittring et Achen. Les soldats de ces régiments, rattachées au XV Corps, récemment arrivés en Europe, sont inexpérimentés et mal entraînés; ils n’ont jamais connu le combat.
Le matériel lourd est encore aux Etats-Unis. Un certain nombre de ces hommes proviennent d’unités antiaériennes dissoutes, de l’Army Specialized Training Program (programme destiné à fournir des ingénieurs et des techniciens pour l’armée US) dont les effectifs ont été réduits… Ces unités doivent stopper les Allemands au cas où les premières lignes américaines seraient enfoncées. Une grande confusion règne lors de la recherche et de l’installation des positions de combat. Le terrain n’est pas familier, le sol gelé ne permet pas de creuser des positions de combat.
Mis en alerte le 29 décembre 1944, le GTL (Groupement Tactique Langlade), formé de différentes unités de la 2e Division Blindée du général Leclerc, prend position le 2 janvier dans des localités de l’Alsace Bossue et dans quelques villages du pays de Bitche. Un détachement conduit par le capitaine Fonde du 2e RMT (Régiment de Marche du Tchad) quitte Bourgheim en Alsace, le 30 décembre 1944, à 13 heures. La colonne traverse Molsheim, Saverne, Phalsbourg, puis est dirigée sur Mittelbronn, sans connaître sa mission.
Une halte est faite à Baerendorf, dans le Bas-Rhin. Beaucoup de soldats français sont frappés par le contraste existant entre les villages alsaciens relativement opulents et les villages lorrains plus modestes. La population de ces derniers semble plus réservée à leur égard. Ce sentiment ne les quittera pas durant leur court séjour en Moselle-Est.
La mission du GTL est de stopper toute infiltration ennemie sur la ligne Wittring, Achen, Bining. Le 2 janvier au matin, le sous-groupement Minjonnet *, dont fait partie Fonde, reçoit ses ordres : rejoindre Kalhausen, Oermingen, Dehlingen par Wolfskirchen et Sarre-Union. Il fait très froid ( -17°), certains half-tracks (véhicules semi-chenillés) ne démarrent pas; de l’eau contenue dans l’essence a gelé dans les canalisations. Des lampes à souder sont utilisées pour dégeler. Instruction est donnée de maintenir les moteurs chauds en les faisant tourner à intervalle régulier de jour comme de nuit.
A Postroff, le sous-lieutenant de Miscault *, commandant un peloton de chars du 4e escadron du 12e RCA * (Régiment de Chasseurs d’Afrique), est lui aussi confronté aux rigueurs climatiques. Parmi les cinq chars Sherman sous ses ordres, deux sont du modèle M4A3, équipés d’un moteur à essence Ford V8 de 500 CV, tandis que les trois autres sont des M4A2 équipés de moteurs diesel.
A l’origine, seuls la 2e DB, l’Armée Rouge et les Marines américains dans le Pacifique sont équipés de ce modèle de char, fonctionnant avec du carburant diesel. Pour remplacer les matériels perdus, la 2e DB perçoit les mêmes modèles de chars que les divisions blindées américaines en Europe, équipés de moteurs à essence. Dans les unités, le panachage d’engins utilisant deux sortes de carburant va poser de gros problèmes de maintenance. Lors d’une révision par manque de pièces détachées, les réchauffeurs sur les chars équipés diesel du peloton n’ont pas pu été remontés. Pour démarrer ces engins par temps froid, le sous-lieutenant de Miscaut n’a qu’une solution : les démarrer en les tirant avec les chars Sherman équipés de moteurs à essence. Etre débrouillard et savoir improviser sont des qualités essentielles dans les unités de la 2e DB.
L’attaque allemande.
En alerte depuis le 29 décembre, les Américains ont retiré leurs avant-postes et organisé des patrouilles. L’attaque débute le 31 décembre 1944, vers 23 heures. L’objectif initial du XIII SS Infanterie Korps est la prise de Rohrbach et l’ouverture d’un passage suffisant pour permettre le déploiement de la 21. Panzer-Division et la 25. Panzer-Grenadier Division vers la Plaine d’Alsace. Aucune préparation d’artillerie n’a lieu, mais très vite les Allemands se rendent compte que l’effet de surprise escompté n’a pas lieu. Le commandant en chef de la 7ème armée américaine, le général Alexander Patch *, s’est rendu le soir même à Fénétrange, au poste de commandement du XV Corps (44th Infantry Division, Century Division, 103rd Infantry Division) et a ordonné aux commandants de faire annuler toutes les festivités, car cette nuit une attaque allemande est attendue.
Les troupes américaines de la 44th et de la Century situées en première ligne se battent avec acharnement, mais cèdent du terrain sous la pression ennemie. La bataille fait rage sur les hauteurs d’Obergailbach et autour des fermes de Morainville et de Brandelfing. Pour enrayer l’avance allemande, l’artillerie américaine effectue des tirs de barrage qui se révèlent très efficaces. De l’infanterie soutenue par des chars Sherman bloque l’avance allemande au sud du bois de Bliesbruck. Un régiment de la Century Division contient la poussée ennemie à l’ouest de Rimling.
Alors que la bataille est engagée, un calme trompeur règne à Achen. Dans une lettre datée du 2 janvier, Philipp L Baker, un lieutenant américain du 255th Infantry Regiment, âgé de 23 ans, exprime son ressenti à Achen: « J’ai passé le premier jour de l’an dans un village français en partie démoli. La messe avait été célébrée, les gens sortaient de l’église. Ils avaient l’air pathétiques en descendant la rue encombrée de matériel militaire, jeeps, camions, chars, canons et de soldats américains. Leurs habits étaient vieux, mais en bon état. La silhouette de leur église en partie détruite se découpait dans le ciel hivernal. J’avais le son de leurs chants en tête, s’en dégageait une impression de tragédie et d’espoir qu’il sera difficile d’oublier ». C’est la dernière lettre écrite par cet officier tué le lendemain à Achen.
Un sous-officier et quelques hommes du 1er Régiment de Marche des Spahis Marocains, l’unité de reconnaissance de la 2e DB, sont détachés à Achen pour faire la liaison avec les troupes américaines. En soirée, à l’issue de la patrouille vers Woelfling, ils rapportent aux civils que tout est calme et qu’il ne faut pas s’inquiéter. Toutefois, l’incertitude sur l’issue des combats donne lieu à des mouvements de panique. A Schmittviller, le chauffeur d’un camion GMC benne son chargement composé de ravitaillement dans la rue et prend le large.
Dans la nuit du 2 au 3 janvier, les lignes américaines sont percées. Les forces allemandes atteignent la voie ferrée Sarreguemines-Bitche. La route nationale 410 est coupée. Gros-Réderching est à nouveau occupé. La situation est très confuse. Dans la matinée, c’est au tour d’Achen d’être investi par la Stossgruppe Kaiser, composée d’éléments du 38. SS Panzergrenadier Regiment et d’éléments de la 17. SS Panzer Abteilung. Le 2 janvier, un peu avant minuit, le groupement Kaiser estimé à 150 hommes, soutenu par trois blindés Sturmgeschütz s’avance venant de Gros-Réderching en direction d’ Achen, par la vallée du ruisseau d’Achen.
Le 3 janvier vers 4h30, la lisière Nord d’Achen est atteinte. Surpris par la soudaineté de l’incursion allemande, les occupants du blockhaus de la ligne Maginot près de la route de Wiesviller n’ont pas le temps de réagir et sont capturés. Vers 9h, Achen insuffisamment défendu est entre les mains allemandes.
Source : http://meyer.famille.free.fr/ahk/op_nordwind_2.html
12e Régiment de Cuirassiers
J.M.O.
INTERMÈDE EN LORRAINE
(Extrait)
1er Janvier 1945.
Exécution du mouvement sur Nordhouse. Une attaque allemande a été lancée cette nuit entre Sarreguemines et Bitche. Nous allons par là. Nous laissons à la 1ère D.F.L., pauvre et mal équipée, la garde du secteur que nous occupions.
2 Janvier 1945.
09H00, le Sous-Groupement DIDELOT, compose des détachements COMPAGNON, LEROY et MARCO, exécute son mouvement sous les ordres du Commandant DIDELOT :
Strasbourg – Saverne – Phalsbourg – Fenetrange.
À Phalsbourg, le G.T. est aiguillé sur Ottwiller; en route nous croisons des éléments du 117ème Cavalry Squadron qui semblent se replier.
Les divers détachements occupent les emplacements suivants :
– COMPAGNON Struth et Ottwiller (où se trouve le P.C.)
– LEROY Tiffenbach
– MARCO Petersbach
Depuis le 25 Décembre, nous sommes encombrés par des stagiaires d’État-Major (Commandants, Capitaines et Lieutenants) que nous semons en route.
Le 2ème Escadron effectue des reconnaissances, en liaison avec les Américains, à Weislingen – Volksberg – La Petite Pierre. Les Américains semblent subir de sérieux échecs.
4 Janvier 1945.
Reconnaissances lointaines dans le secteur. Le G.T.L. est plus au Nord, à Gros Rederching. Le 3ème Escadron est cantonné à Ottwiller et Bust.
7 au 8 Janvier 1945.
Le P.C. est à Durstel où se trouve l’Escadron LENOIR. Vie dans la neige.
Tir au canon du 501e (qui s’exerce).
Le 3ème Escadron est cantonné à Zilling.
Le G.T.D. est à Asswiller.
8 Janvier 1945.
À partir de midi, mouvement par Durstel et Drulingen. Nous nous portons à Wintersbourg. Le P.C. du G.T.D. est à Lixheim; le 2ème Escadron à Zilling, le 3ème Escadron à Vescheim.
9 Janvier 1945.
Nous apprenons que les villages d’Alsace que nous avons quittés ont été repris par les boches qui seraient au Pont de Sand.
10 Janvier 1945.
Organisation de la vie à Wintersbourg et autres lieux rapprochés, dans lesquels sont cantonnés tous les escadrons du Régiment.
11 et 12 Janvier 1945.
Tir de l’Escadron d’E.M. et des autres escadrons à Wintersbourg.
Vie monotone de repos.
13 Janvier 1945.
Incendie à Wintersbourg occasionné par un char du 2ème Escadron.
16 Janvier 1945.
Le 3ème Escadron va cantonner à Hérange.
17 Janvier 1945.
Préavis d’avoir à faire mouvement sous peu.
L’E.M. et le 2ème Escadron vont cantonner à Brouwiller.
L’Escadron d’appui est à Lixheim.
Le 1er Escadron est à St Jean Kourtzerode.
18 et 19 Janvier 1945.
Vie calme et monotone dans la neige.