ZELLWILLER (Bas-Rhin)



ZELLWILLER

Km= 1021 

Mardi 28 novembre 1944

 

Des conditions climatiques épouvantables, pluie, inondations, contraignent les unités à se cantonner aux routes dont les ponts sont pour la plupart détruits

 

 

Journal de bord du mardi 28 novembre 1944
Écrit par Antoine MULLER
Extrait de “De Valfa à Valff”

 

Les conditions atmosphériques sont déplorables. Il a plu toute la nuit. Les routes sont détrempées, presque tous les ponts ont sautés, les abords minés. Le terrain gorgé d’eau interdit toute manoeuvre en dehors des routes. Après une longue nuit d’attente, une nouvelle peur se manifeste chez les habitants. Les prisonniers allemands retenus à la mairie sont relâchés et se replient en direction de Zellwiller.

À 7h00, les éléments de l’escadron, rejoint par le 3ème peloton arrivé de Wangenbourg avec ses trois véhicules, font mouvement sur Obernai avec le Sous-Groupement de BOISSIEU. Dans cette localité, une longue halte est marquée de 10h00 à 15h00. Les sous-groupements de tête ne parviennent pas à déboucher sur leurs objectifs. À 15h00, le Capitaine de BOISSIEU, reçoit l’ordre de rejoindre Valff par un itinéraire détourné et de pousser, à partir du village, une reconnaissance sur Westhouse. Les inondations ayant fortement endommagé la route, Valff n’est atteint qu’à 17h00. L’opération est décommandée et l’Escadron s’installe dans la partie Est de la localité en surveillance dans cette direction.

De son côté, le Sous-Groupement MINJONNET est parti à 7h30 de Duppigheim via Niedernai et Meistratzheim. La progression se fait sans encombre jusqu’à Meistratzheim où le pont détruit sur l’Ehn oblige à faire demi-tour et à passer par Niedernai. La colonne se rabat ensuite sur la route entre Meistratzheim et Valff en passant par des chemins vicinaux. A l’entrée du village, le premier contact avec l’ennemi a eu lieu.

Vers 10h00, quelques soldats allemands armés de mitraillettes font à nouveau irruption dans les rues, traversant, le village à pied. Ils s’arrêtent au dépôt de ramassage de lait au n°134 et demandent de la boisson. Monsieur Paul SAAS, qui assure par intérim la réception du lait, n’hésite pas à leur rendre service en leur offrant du lait. Les soldats semblent épuisés. Ils repartent aussitôt pour emprunter la rue des forgerons en direction de la route de Zellwiller emmenant avec eux trois soldats qui s’étaient cachés à la mairie et qui voulaient se faire prisonnier. Nous avons une grande peur d’être repérés dans la cave de l’école. Nous craignions aussi que les soldats allemands viennent récupérer leur matériel et les munitions entreposés dans une salle de classe, mais heureusement pour nous, ils ignoraient certainement ce dépôt.

Vers 11h00, le premier tir de la 2e Division Blindée endommage la maison de Monsieur Mathieu KORMANN. Les chars SHERMAN remontent la rue principale en mitraillant les façades des maisons. La résistance est légère, elle consiste en quelques fantassins équipés d’armes automatiques. Valff traversé, le peloton CHEYSSON (2/3/12e R.C.A.) qui marche en tête se heurte sur la Kirneck en direction Zellwiller dont le pont a été détruit la veille. Le temps couvert, plafond bas et brouillard ne permettent pas l’intervention de l’aviation d’observation. Le Génie est mis en action pendant que l’artillerie ennemie, stationnée à Zellwiller, neutralise les travaux du pont et le carrefour d’accès. Ce même matin, le Sous-Groupement MOREL-DEVILLE est parti à 7h30 d’Obernai. A Goxwiller, l’axe de progression prévu est encombré par les éléments de la 14e Division Blindée US qui avait, la veille, pris position à Valff. Le Sous-Groupement doit alors se replier sur l’axe du Sous-Groupement MINJONNET. L’avant-garde aux ordres du Lieutenant ODDO comprend le peloton de chars GOURLAN (chars légers M3A3 Stuart, 3e peleton, 1er escadron du 1er R.M.S.M.), le peloton porté TERENZIO (3e peleton du 7e escadron du 1er R.M.S.M.).

A 13h00, elle attaque Bourgheim. L’avant-garde se dirige sur Valff où la liaison avec le Sous-Groupement MINJONNET est effectuée. Pour l’instant, l’avancée française ne s’est pas heurtée à des difficultés particulières. Le Génie répare le pont sous les tirs des snipers.

Vers 14h00, le pont est rétabli et la progression vers Zellwiller se met en marche. La 1ère Compagnie du Génie et un détachement de la 13/16, commandé par l’Adjudant SMADJA franchissent la Kirneck. Deux paires de chemins de roulement sont mis en place. Sans perdre de temps, la Division poursuit en direction de Zellwiller, le duel entre les chars allemands en position à Zellwiller et les chars SHERMAN du 12e R.C.A. se déclenche. Le char SHERMAN, M4A2 n°38 percé entre Valff et Zellwiller est le Tardenois du 12e R.C.A. Son chef est le Maréchal-des-Logis LAUNNOIS, originaire des Ardennes. Son canonnier est René SIMANTOB. Par la suite, les chemins de roulement sont relevés et le pont de la Kirneck est remplacé par une structure en bois. C’est alors que les Allemands commencent avec un sévère bombardement d’artillerie. L’avant-garde du Sous-Groupement MOREL-DEVILLE, stationnant dans le rue Muhlmatt, est touché. L’Aspirant André TÉRENZIO sort de son char pour inviter par haut-parleur les soldats allemands, en position de défense sur l’autre rive de la Kirneck, à se faire prisonniers. Malheureusement l’Aspirant TÉRENZIO est tué par un tireur d’élite allemand.

Le Lieutenant de LA SALLE, ainsi que de nombreux Spahis furent blessés. Un autre soldat français, Mohamed DAOUD, sapeur du 13e Bataillon du Génie de la 2e D.B., 2e section – 1ère Compagnie, est mortellement blessé. Venant d’Obernai et roulant sur une moto, il a été touché par un éclat d’obus à la hauteur de la maison n°41. Le lieutenant ODDO décide de replier ses troupes sur Bourgheim où l’attend le chef d’escadron MOREL-DEVILLE avec son groupe. Les Allemands continuent de bombarder Valff, leurs canons sont installés dans le Bruchweg à l’Est de Zellwiller. Deux autres pièces d’artillerie harcèlent les français depuis la maison forestière du Moenkalb. Elles cherchent à atteindre le clocher de Valff. Les Capitaines CRESPIN et TANON, respectivement commandant de la 2e Brigade et de la Brigade d’état-major du 40e R.A.N.A., règlent depuis le clocher de Valff la 2e batterie sur Zellwiller malgré une mauvaise visibilité. Pendant ce temps, la 1ère Brigade du R.A.N.A., stationnée à Valff, effectue un tir de contrebatterie sur les pièces allemandes du Moenkalb, ainsi qu’un tir de neutralisation sur les lisières à l’ouest de Zellwiller. De son coté, la 2e Batterie fait une préparation d’artillerie sur les lisières nord du village de Zellwiller.

Le Sous-Groupement MINJONNET, venant de Valff, et le peloton ONNÉE, Sous-Groupement MOREL-DEVILLE, venant de Bourgheim par le chemin « Burigmer Stressel » ont libéré Zellwiller vers 16h00. Le soir de la libération de Zellwiller, le P.C. du Groupement RÉMY ainsi que les éléments réservés passent la nuit à Valff. Un communiqué diffusé ce même jour par la « Feldkommandatur » de Sélestat confirme que le village de Valff est « feindbesetzt », libéré.

 



Combats de la 2e DB au sud de Strasbourg – Novembre 1944

Christophe LEGRAND – TDR

 

 

La surprise chez l’ennemi n’a pas duré longtemps.

Le 27 novembre, un de ses éléments infiltré dans Strasbourg fait sauter le pont sur le bassin Vauban.
Un peu partout, son artillerie demeure active et, le même jour, il lance son infanterie dans une contre-attaque depuis Erstein.


La Division est fatiguée par quatre mois de combats incessants qui ont mis à rude épreuve les hommes et le matériel. Les jeunes engagés ont comblé les pertes et, si leur courage n’est pas en cause, leur instruction militaire sommaire réalisée sur le tas ne donne pas aux unités la même capacité technique. Il pleut, il fait froid, la boue et l’eau envahissent tout.

28 novembre. Au matin, la 2e DB entame son mouvement offensif.
Devant elle le terrain est coupé de canaux, de nombreux barrages ont été rompus, la campagne disparaît souvent sous plusieurs centimètres d’eau glacée. L’Ill déborde, les villages sont autant d’îles reliées par des chaussées en remblai obstruées d’obstacles, creusées d’entonnoirs, les ponts sont détruits et l’ennemi a truffé de mines et de pièges les points de passage possibles.
La plupart des agglomérations sont énergiquement défendues par un ennemi agressif, bien pourvu en moyens antichars et en artillerie.
Ses quelques chars sont astucieusement employés dans la défensive, parfois dans la contre-attaque, aussi les pertes de l’assaillant sont-elles lourdes pour des gains de terrain minimes.
L’avance est lente, pénible, coûteuse, après les exploits fulgurants des semaines précédentes, le moral n’y est pas.


Deux groupements tactiques progressent en tête vers Colmar.
Le GTR devrait longer le contrefort des Vosges avec le groupement Langlade derrière lui.
Le sous-groupement Morel-Deville, le plus à l’ouest, avancera par Molsheim, Obernai, Sélestat avec Minjonnet à sa gauche qui, sur un axe parallèle, ira, théoriquement, jusqu’à Sainte-Croix-en-Plaine.

 

 

 

 

 

 

12e RCA 

 

Après un complément en munitions et matériel, afin de pouvoir faire la jonction avec la 1e Armée Française venant de la Provence, le sous-groupement quitta Strasbourg le 27 Novembre vers 16 heures et prit l’axe Entzheim – Meistratzheim – Niedernai – Ebersheim – Muttersholtz, pour revenir à  Duppisheim près de Strasbourg.

La journée du 28 Novembre fut occupée à nettoyer le village de Valff et remettre le pont en état, puis réduire une résistance à Zellwiller et constater que le pont, lui aussi, avait sauté, et n’était pas réparable avec les seuls moyens du sous-groupement.
A la sortie de Valff, le Tardenois du 2e peloton du 3e escadron fut touché par un tir antichar, l’équipage pu évacuer, mais le brigadier Roland RENOUX et le chasseur Marcel SIMONIN furent blessés.

Compte Rendu au GTL des pertes infligées à l’ennemi : 30 tués, 150 prisonniers, récupération de 2 automoteurs de 88, 2 canons de 40.

Ordres arrivés le 30 de contourner et attaquer Stotzheim, qui fut réduit en début d’après- midi. Progression alors sur Sermersheim. Le pont trouvé détruit fut remis en état pendant qu’une attaque allemande était repoussée sans l’intervention de l’aviation, le temps couvert ne la permettant pas.
Le sous-groupement stationna jusqu’au 8 décembre dans les deux villages de Sermersheim et de Kogenheim. 

 

 

Dans la journée du 23 novembre, jour de la prise de Strasbourg, Leclerc couvre la ville vers le sud sur la Bruche avec des détachements du GTR et, entre Ill et Rhin, avec le sous-groupement Debray vers Neuhof.

Conformément à sa mission qui est d’aider à droite le VIe CA retardé dans le franchissement des Vosges, dès le 25, Leclerc fait pousser des reconnaissances vers le sud, en particulier dans la région d’Erstein (22 kilomètres de Strasbourg).

Le 26 a lieu un accrochage au carrefour à 1000 mètres ouest d’Erstein.
Il n’est pas question de continuer vers l’est.
Le franchissement du Rhin ne peut être qu’une opération d’envergure décidée au plus haut échelon.

A partir du moment où la 2e DB est relevée à Strasbourg par l’infanterie américaine, le devenir du général Leclerc et celui de la 2e DB sont tous deux en jeu.

Aussitôt après la prise de Strasbourg, la bataille d’Alsace commence.

Dès le 27 novembre au sud, de Lattre prévoit une offensive en direction de Cernay puis Neuf-Brisach, entre Colmar et le Rhin, à partir de la région de Burnhaupt (10 km sud-ouest de Mulhouse), où convergent 1re DB, 5e DB et 2e DIM.
Au nord, nous l’avons vu, Leclerc dès le 25 pousse des éléments de reconnaissance vers Erstein en liaison avec des unités du VIe corps américain. Le long du Rhin, il glisse le GTD, qui réussit à atteindre le 1er décembre, au prix de durs combats, Friesenheim à 40 km au sud de Strasbourg.

Entre-temps, le 29 novembre, de Lattre modifie au sud ses prévisions d’opération.
Il renonce à son action offensive sur Cernay et s’immobilise sur la ligne atteinte.
Il relève une de ses deux divisions blindées engagées pour la mettre en réserve générale.
Dès lors, la jonction rapide des deux forces nord et sud par action le long du Rhin derrière Colmar n’est plus envisageable.


C’est le début d’une longue campagne d’hiver ralentie par le froid et la neige : la liquidation de la poche de Colmar prendra deux mois et demi.

 

 

 

 

 

Extrait de « LA 2E DB – Général Leclerc – EN FRANCE – combats et combattants » – ©1945

 

La Division est restée cinq jours autour de Strasbourg, puis elle est ressortie vers le sud.

Elle marchait à la rencontre de la 1ère Armée française, qui avait forcé la trouée de Belfort, conquis Mulhouse et qui poursuivait son effort vers le nord. La 19e Armée allemande avait perdu sur ses deux flancs des positions d’une importance considérable. Elle était maintenant isolée par la percée centrale qui avait coupé l’Alsace en deux et acculée au Rhin. Je crois que chez les Alliés et à tous les échelons nous avons considéré alors son sort comme réglé.

Sa liquidation semblait n’être plus qu’une question de temps. Importante, certes, car en la brusquant on pouvait accroître le butin et surtout achever de déchirer d’un seul coup le voile jeté depuis quatre ans sur l’Alsace. Mais devenue secondaire pour la poursuite générale de la guerre.
Tout en brisant la vigoureuse contre-attaque allemande partie du nord de Sarrebourg qui visait à couper à sa racine la voie d’eau subitement ouverte à Saverne et qui arrivera assez près de la ville pour que secrétaires et officiers des bureaux y aient d’instinct vérifié à portée de leur main le fonctionnement de leurs revolvers, notre XVe Corps avait poussé sur nos talons presque toute son infanterie : une partie de la 44e Division d’infanterie américaine n’était-elle pas passée dès le 23 par la route de Dabo, alors que celle de Saverne n’était pas encore ouverte ! Il avait élargi et consolidé sur-le-champ, vers Brumath et vers Haguenau, le couloir ouvert de Saverne au Rhin. Suivi par une importante partie des troupes du VIe Corps qui débouchaient à leur tour du Donon et de Saales, il glissait alors vers le nord, vers Sarrebruck, Wissembourg et l’Allemagne.
Le champ clos de la Haute-Alsace ne conserve plus dans notre camp, outre la 1re Armée française et nous-mêmes, qu’un lutteur : le général Denquist et sa 36e Division d’infanterie américaine, qui ont franchi le col de Sainte-Marie-aux-Mines et qui marchent sur Sélestat et Ribeauvillé.

 

Dès le 24 cependant, nous avons vu les Allemands essayer de se reconstituer au sud de Strasbourg un flanc solide traversant la plaine. Des détachements ennemis essaient de revenir jusqu’aux lisières de la ville, vers Grafenstaden, pour y faire sauter les ponts. Le capitaine Da, qu’on a vu dès cette date patrouiller jusqu’à Erstein et Benfeld, s’y fera attaquer à son tour.

La coupure importante de Kraft sert de déversoir à l’Ill, qui draine toute la crue en amont. L’ennemi y espérait un peu de répit : notre génie arrive à la rétablir dans la nuit et, au petit jour, le 29, Quiliquini enlève encore deux villages. En même temps, Didelot s’était emparé d’Erstein et des villages environnants, avait bordé la rivière; Rémy, qui manœuvre en prenant son large depuis Obernai, va rejoindre son cours en amont de Benfeld, entraînant la chute de ce point fort et de Sand : à Sand, enfin, le groupement Guillebon va passer sur la rive droite.
Nous avons épuisé nos dernières possibilités de manœuvre : nous voilà maintenant canalisés dans deux Landes étroites, l’une entre le Rhin et le canal de la Marne au Rhin, l’autre entre ce canal et l’Ill. Tous leurs ponts, ainsi que ceux des innombrables ruisseaux de cette plaine, sont sautés. Le pays est inondé ou détrempé : dans chaque bande émerge une route, complétée de quelques chemins, seuls liens entre les îlots des villages.
Alors, de village en village, on fait en miniature une guerre du Pacifique : avec cette différence qu’il n’y a pas de bateaux et que sous notre brouillard opaque on ne voit pas davantage d’avions. Il n’y a que la chaussée, minée et obstruée d’abatis.

Sous le feu, pendant que l’artillerie assomme les lisières, le génie rétablit un pont après l’autre, démine patiemment. Tout droit, sans manœuvre possible, les chars et l’infanterie chargent les villages. Jeu dur s’il en fut. Le char de tête est presque sûrement sacrifié. Mais, dans les pelotons, aucun chef de char ne veut céder son tour : il faut toute l’autorité des anciens pour écarter un camarade par trop novice, car au moins faut-il conserver contre le canon antichar le mince avantage du flair et du réflexe acquis à la longueur de l’expérience. On voit à Gerstheim le char de Desforges, déchenillé par le coup, rouler sur ses galets dans un virage qui l’arrête, brusquement et involontairement, face à face avec le canon qui l’a ajusté; il faut encore qu’on le lui signale de l’extérieur, et dans ces fractions de seconde il agit si vite et si calmement qu’il a ramené sa tourelle et descendu l’autre avant qu’il ait eu le temps de doubler. Galley, devant Herbsheim, avait scruté le terrain avec son flair de paysan doublé d’un bledard; il avait repéré la zone où l’autre devait l’attendre, mais il ne connaîtrait sa position exacte que lorsqu’il aurait tiré. Il allait donc lui laisser cette initiative, confiant dans sa première maladresse; après quoi lui ne le ratera pas. Il débouche du dernier couvert : captant son interphone, ses camarades des chars qui suivent l’entendent donner à son mécanicien ses instructions : « Là, petit… maintenant doucement… et du calme ! »

Ayant ainsi poussé jusqu’à Rhinau, Friesenheim, Rossfeld, nous avions été stoppés pour une nouvelle coordination des efforts. Le 12 décembre, sous les ordres du général de Montsabert, qui commande le IIe Corps français, et avec l’appoint des bataillons parachutistes du commandant Faure, nous prenons notre part d’un nouvel effort fait par l’ensemble des Ier et IIe Corps. L’attaque principale du IIe Corps doit se dérouler sur notre droite, vers les Trois-Epis et Colmar.
Les parachutistes, qui prolongent notre manœuvre blindée toujours rivée aux routes par l’inondation, traversent des blancs d’eau glacée, progressent dans la boue des forêts. On prend encore deux villages et une ferme.

L’ennemi se défendait pied à pied. Ses garnisons se battaient de mieux en mieux.
A Herbsheim, Buis avait dû abattre un par un les hommes dans leurs trous qui s’y renfonçaient sous les rafales, mais qui se relevaient aussitôt pour riposter.

Cet acharnement restait le même sur tout le front des Ier et IIe Corps ; les prisonniers l’expliquaient par les interventions et les visites de Himmler, qui avait fait de la Forêt-Noire et de l’Alsace sa propre affaire. L’ex-Gauleiter Wagner s’était joint au général Wiese (qui, commandant la 19e Armée, avait quelques échecs à faire oublier et peut-être une place à conserver) pour raidir la défense de Colmar. Loin d’évacuer la poche, ils y recevaient renforts et matériel.
Le coup de tonnerre du 16 décembre dans les Ardennes donnait un sens à ces renforts. Parlant à ses généraux, comme Frédéric II avant Leuthen, Hitler les galvanisait de son ultime espoir de mettre hors du jeu pour plusieurs mois tout le front de l’Ouest, de retourner ensuite les derniers sursauts de sa vigueur contre les Russes.
Le front d’Alsace avait son rôle à jouer dans ce plan : si la vedette allait pour l’instant à Hitler et à ses généraux des Ardennes, on peut même penser qu’une deuxième manche, redonnant à la « sentimentale » Allemagne cette Alsace que les nazis s’étaient donné tant de mal à lui faire croire sienne, n’aurait point déplu à la publicité de Himmler.

 

( « LA 2E DB – Général Leclerc – EN FRANCE – combats et combattants » – ©1945)

 

 

 

RMT

Extrait de ” LES LOUPS DE LECLERC” de JEAN-JULIEN FONDE
PLON – 1982

 

La 2e DB passée au vie corps d’armée US doit être relevée, dans la nuit du 27 au 28 novembre, de sa mission de défense de Strasbourg par la 3e D.I.US.
Sans attendre, le G.T.R., renforcé du sous-groupement Minjonnet, est lancé vers le sud en direction de la Ire armée française.
Mais la pluie ne cesse de tomber, l’Ill déborde et le terrain gorgé d’eau interdit toute manœuvre en dehors des routes.
De plus, l’ennemi a eu le temps, depuis le 23 novembre, de réorganiser ses forces.


Le 27 novembre en fin d’après-midi, complétée en munitions et en matériel, véhicules révisés et pleins faits, la Meute s’arrache à la chaleureuse hospitalité de Strasbourg. Elle passe la nuit à Dup-pigheim.

Le lendemain, à l’aube, avec la lre de Salbaing grelottant sur les plages arrière des Shermans de tête et les autres sections se prélassant dans les half-tracks, le sous-groupement Minjonnet s’élance vers le sud. Il s’agit pour lui de chasser l’ennemi de Walff, Zellwiller et Stotzheim, le sous-groupement Morel-Deville opérant sur sa droite en direction de Saint-Pierre.
Innenheim et Niedernai sont traversés sans incident, mais le pont sur l’Ehn à Meistratzheim qui s’avère détruit, contraint la colonne à un pénible demi-tour sur Niedernai, dans le froid humide et la boue. Les reconnaissances des spahis se sont arrêtées là…

LA LIBÉRATION DE ZELLWILLER

Les jeeps de la « Reconnaissance » tâtent alors Walff par l’ouest.
Dans la foulée et avec l’appui d’une concentration d’artillerie, elle s’y engouffre, audacieuse et chanceuse. Encadrant « son » peloton et l’adjudant Franchi en tête avec le sergent Duc, comme à l’habitude, la lre section mitraille. L’ensemble défile au trot dans la grand-rue, pousse au-delà de la sortie est, jusqu’au pont de la route de Benfeld qu’elle trouve détruit.

Derrière, arrêtée au carrefour de la route de Zellwiller dont le pont vient de sauter à son nez, la 2e section canarde des groupes ennemis qui se replient vers le sud. « Fanfan » Le Douarec à la carabine et Hunter à la mitrailleuse s’en donnent à cœur joie. Les Fridolins, allongés dans les fossés, planqués derrière les arbres de la route et les silos à betteraves, essaient de donner la réplique. Sans succès, mais ça claque et ça ricoche en chuintant.
Cela ne modifie pas l’optique du sergent Manfredi qui n’a jamais admis l’intérêt du tir masqué. Au milieu de la route, il cale contre son genou gauche à terre le tube de son mortier de 60 mm, l’aligne directement sur l’ennemi visible, introduit un obus qui part en tir tendu et tombe court. Relevant légèrement le tube en soulevant la main gauche qui le supporte, il tire à nouveau. Le coup est long. Manfredi passe alors au tir d’efficacité et, à 600 m de là, des silhouettes s’effondrent, d’autres fuient, poursuivies par les explosions…
— Vous voyez, mon capitaine, pas besoin de plaque de base, ni d’appareil de pointage ni de tables de tir. Ça marche tout seul, zézaye Manfredi rayonnant et surexcité, en se retournant vers le capitaine J.-J. Fonde, son sévère instructeur de Skhirat et de Fimber, qui l’observe en silence d’un œil critique.
Le lieutenant Ivanoff reste impassible. Il est triste. Il doit restituer au capitaine le commandement de la compagnie à la fin de l’opération en cours, ainsi qu’il vient d’être convenu. Manfredi poursuit son arrosage. La fusillade faiblit. Mais un Sherman tout proche, percé d’un coup de 88 embusqué devant Zellwiller à 1200 mètres, flambe. L’aide conducteur d’un second char sorti imprudemment de son blindage, reçoit une balle en pleine poitrine. Des éclats de pierre enjolivent le visage de Salbaing, une fois de plus.
Tout à coup, à 300 m, un fanion blanc s’agite frénétiquement. Une silhouette se dresse et d’autres imitent, bras levés. Puis elles s’approchent, processionnellement.
Duc et Franchi, jouant les équilibristes sur les débris du pont qui baignent dans l’eau glacée, vont à leur rencontre. Ce sont des policiers de la Luftwaffe, âgés et fatigués, armés de fusils et de revolvers. Vingt se rendent. Les blessés sont pansés et évacués. Quinze cadavres restent sur le terrain.

L’artillerie ennemie se déchaîne, perce les toitures, éventre le bureau de tabac. Burckert, imperturbable, se penche sur le Cote 252, dangereusement exposé, qui refuse de démarrer. Le génie rétablit rapidement un passage de fortune et, vers 14 heures, ça repart…
Dès le débouché au-delà du pont, des balles ricochent sur les blindages. La lre gicle à terre et s’élance au trot, en contournant prudemment les abattis successifs, vers le lointain Zellwiller où, selon les prisonniers, opèrent des Russes du Kouban incorporés dans la Wehrmacht. Huit cadavres de feld-gendarmes, colliers de chiens et plaques brillantes sur le vert des uniformes, étendus dans une langue de broussailles, déjà raidis par le gel à quelques pas de la route, témoignent de l’efficacité du tir de Manfredi.
En vue du village, le char de tête hésite, saisi d’appréhension. Des éclairs jaillissent des lisières. Un feu d’enfer se déclenche et s’étend sur la droite où les calots rouges de Morel-Deville qui attaquent aussi à partir de Bourgheim sont durement accrochés. Avec rage, des canons de 20 mm invisibles, concentrent leurs tirs sur le Tardenois du margis-chef François dont le blindage fume, comme l’huile de la boîte du pont avant, contraignant l’équipage à évacuer.
— Je n’aime pas ce bruit, grogne Maret qui, depuis Villacoublay et les Quatre-Vents, est allergique à la cadence des canons de 20. Salbaing ricane, collé au sol dans le fossé.

Subitement, tout change. La puissante concentration d’artillerie que règlent l’officier du D.L.O.1 (Détachement de liaison et d’observation d’artillerie) et le piper-cub ainsi que les tirs ponctuels des Shermans qui se déchaînent, assomment les défenseurs des lisières.
Un obus explose sur un monticule à une cinquantaine de pas en avant des premières maisons. Des débris sombres voltigent en l’air.
— A défaut de hacher du Chleuh, nos artilleurs taillent dans les betteraves, dit quelqu’un.

L’assaut, déclenché au moment précis où le tir se lève, ne rencontre plus qu’une résistance sans âme.
Derrière le silo de betteraves, trois corps déchiquetés gisent près de leur mitrailleuse, une superbe M.G. 42 intacte.
Plus loin, un canon de 88 tout de guingois, et trois pièces de 47 démantelées se penchent sur les lambeaux de leurs servants. Mais dès l’entrée dans le village, ça canarde. Maurice Martial abat, l’un après l’autre, quatre tireurs aux fenêtres des premiers étages.

Un ferraillement de chenilles ralentit encore les hommes de pointe. C’est un automoteur de 75 qui se replie. Le Sherman de tête, alerté du geste, accélère, tire et fait mouche. Le réservoir de l’autre explose. Ça crame et ça crache des volutes de fumée noire. Et les munitions crépitent, sans fin. Un camion mitraillé s’écrase contre un mur. Le chauffeur, chanceux, est récupéré dans une cave. Au fond d’une ruelle, débouchant sur la campagne, un autre 88 orienté vers Bourgheim et Walff est découvert, abandonné.
La 2e liquide à la grenade les servants de trois canons de 20, surpris par-derrière et collecte dans les sous-sols d’un groupe d’habitations une quarantaine de prisonniers. Parmi eux, des Russes avec leurs gradés ivres, surpris dans une pièce où ils braillaient et buvaient encore. Ivanoff essaie de leur parler : peine perdue. Ils sont trop abrutis et saturés d’alcool.

Zellwiller est libéré. L’ennemi a perdu trente tués et soixante prisonniers. Mais son artillerie repart en beauté, cherchant à interdire tout débouché du village. Les rafales de « trains bleus » des nebelwer-fers et les boulets sifflants des 88 se mêlent aux fracassantes explosions des 150. Chars et half-tracks cherchent des abris le long des murs et dans les granges…

Dans les caves où se réfugient les équipages, les réserves de bûches du village déserté par ses habitants crépitent joyeusement et celles de schnaps que les Russes n’ont pu liquider en totalité réjouissent l’âme des guetteurs que le gel nocturne impose de relever toutes les heures. Les vêtements fument de face, puis de dos, et de haut en bas.
Jamot retour de permission, émerge en début de nuit de la brume épaisse en compagnie du vaguemestre. Et, volubile, il entreprend de conter ses folles nuits parisiennes. Au bout d’un moment, Ivanoff l’interrompt, doucereux…
— Vous tombez mal, mon vieux Jamot. Ce soir, c’est le tour de la 3. Et il faut aller voir le pont sur la route de Stotzheim.
— Un peu d’air frais… Ça chasse les miasmes des mauvais lieux, lance Lachaud qui a pris provisoirement, le commandement de la 3 après la mort de Piet.
Jamot ne cille pas. Il vide son verre de schnaps, fait claquer sa langue…
— O.K. Je me change et on part… Mais il fait moins froid à Paris. Il revient trois heures plus tard, glacé. Le pont de la route de
Stotzheim a sauté. Comme les autres, Aussi, le 30 à 6 h 30, la Meute quitte son gîte tiède de Zellwiller et, à pied, affronte l’obscurité glaciale, tous sens en éveil. Avant le jour, sous la protection d’un épais brouillard, elle se déploie de l’autre côté de la rivière, au complet et trempée à glace, à mi-chemin de Stotzheim. Les chars ne peuvent traverser, mais une section du génie entreprend la réfection du pont. L’artillerie allemande toujours malfaisante, réagit copieusement à partir de l’Ill. Le plafond bas exclut le concours des chasseurs bombardiers. La Meute colle à la terre glacée et humide.
Jusqu’à ce qu’une copieuse concentration de fumigènes et d’explosifs ajoute ses fumées et ses lueurs au brouillard. La Meute se lance, lre et 2e en tête de part et d’autre de la route, sur un glacis de 400 m, et arrive en vue du cimetière. Mais, des mitrailleuses ennemies épargnées se révèlent. Les hommes plongent dans les fossés, derrière les talus, creusent la terre molle de leurs mains. L’artillerie amie se tait. C’est l’échec.
Atlan, étroitement collé au sol, se déhanche pour lancer comme l’ordonne Maret la fusée-signal destinée aux artilleurs. Criquet, allongé sur le ventre, reste sourd aux appels répétés de Bouffort, son inséparable. Celui-ci se soulève étonné et retombe aussitôt, hagard…
— Mon vieux copain, la tête éclatée… Sa voix de ténor perdue, le 30 novembre… Je n’oublierai pas. J’ai vingt ans aujourd’hui. Et lui est mort…

 

 

 

 

 

 

 

Extrait de ” CARNET DE RETOUR AVEC LA DIVISION LECLERC”
PIERRE BOURDAN 
Editions Pierre Trémois – 1er trimestre 1945

 

(A la suite de la prise de Strasbourg) Du 23 au 24 novembre 1944, ce seront les opérations de nettoyage : prise des forts par l’emploi combiné de moyens massifs et d’arguments diplomatiques et combats de rues dont la ville porte encore les marques.
Il y a des incidents comiques en marge d’une bataille qui n’est pas allée sans pertes : l’aspirant Braun, un Alsacien, fait trois cent neuf prisonniers « par téléphone », en se faisant passer pour le chef d’état-major du général allemand, commandant la place. Le 24 au soir, tout est fini. En une semaine d’opérations, la Division a fait douze mille prisonniers, détruit deux cent cinquante canons, quarante chars, mille huit cents véhicules, mis hors de combat plus de trois mille ennemis.

Le 25 au matin le général lançait de fortes patrouilles de reconnaissance vers le Sud, afin de pouvoir, dès la relève de la Division à Strasbourg, déblayer la plaine d’Alsace.
Mais la relève ne devait avoir lieu que le 28 novembre, car les deux divisions d’infanterie américaines liquidaient entretemps les points de résistance ennemie dans le nord de l’Alsace.
Et le 28, l’ennemi, entre Colmar et Strasbourg, avait eu le temps de se ressaisir.
Une poussée d’une trentaine de kilomètres porta la Division au sud d’Erstein, sur la route de Colmar.
Et là, avec son flanc gauche au Rhin, elle dut reprendre cette « guerre lente » que nous avions connue en Lorraine sur le front Meurthe-Vezouze pendant le mois d’octobre.
Elle travaillait à la réduction de la « poche » de Colmar par le nord, cependant que les Américains l’attaquaient par l’ouest et les divisions du général de Lattre de Tassigny, qui avaient reconquis une grande partie du Haut-Rhin, par le sud.

Un ennemi combattant avec acharnement et sans merci, acculé au fleuve, dépensant sans compter un énorme stock de munitions qui ne devait pas retraverser le Rhin, canonnant nuit et jour, disputant chaque pouce de terrain ; une plaine inondée par les eaux des rivières et des canaux débordés, une sorte de champ de bataille lacustre où l’on voyait les véhicules passer sur l’étroit ruban des routes entre des nappes liquides et plonger dans l’eau à ras de capot pour traverser ce qui avait été un pré et où maintenant on traçait un gué avec des piquets ; des villages entourés d’eau, servant de PC aux unités, échangeant des obus au-dessus des étangs ou des bourbiers qui les séparent ; des ponts coupés ou effondrés forçant les véhicules à d’incroyables détours pour aller d’un point à un autre, parfois d’une compagnie à l’autre.
Ici et là, de violents engagements, à l’échelle d’une compagnie ou d’un bataillon, engagements où l’ennemi, SS principalement, ne fait pas de quartier et paraît n’en attendre guère.
Des embuscades où des hommes tombent qu’on ne revoit plus. Tel fut le champ d’action et tel fut le rôle de la Division dans la première quinzaine de décembre, après l’étonnante marche de Baccarat à Strasbourg. Il eut fallu du repos à ces hommes qui, de la Normandie au Rhin, avaient combattu sur près de mille kilomètres, fait plus de quarante-cinq mille prisonniers en chemin, libéré Paris et Strasbourg.

Mais la tâche de la libération de l’Alsace n’était pas terminée. Et si bien peu d’entre eux, en dépit de la fatigue, parlaient de repos ou de répit en attendant de repartir vers cet autre objectif auquel ils songent, l’Allemagne, c’est qu’ils avaient trouvé, dans cette Alsace qu’ils venaient délivrer, un accueil qui avait dépassé leurs espérances.

D’où sont venues ces étranges rumeurs qui ont couru la France, ces bruits insidieux sur la réception des troupes françaises et alliées ?
Il faut s’étonner non pas qu’elles aient été mises en circulation par quelques malfaiteurs ou quelques alarmistes, mais qu’elles aient été crues et parfois propagées par des gens de bonne foi. Dans ce pays qu’on avait tenté de germaniser, les soldats français ont trouvé l’accueil le plus touchant et le plus direct qui leur ait été fait depuis leur entrée à Paris. Il n’est pas de province de France où maisons et cœurs se soient plus ouverts à eux. Il n’est pas de province de France qui soit aussi superbement pavoisée. Voici quatre ans, la Gestapo avait fouillé toutes les maisons d’Alsace pour en arracher tout ce qui rappelait la France, drapeaux ou insignes et jusqu’aux livres. Chaque Alsacien devait prêter serment qu’il ne possédait pas de drapeau français. Toute infraction était punie de mort. Aujourd’hui, dans des villages de première ligne, dont le sort est encore en doute, on voit des drapeaux à toutes les fenêtres. À Strasbourg, sous le feu des canons allemands, à Strasbourg qui serait rasée et dépeuplée si jamais l’ennemi réussissait une contre-offensive, il y a de vieilles rues si pavoisées que les drapeaux y font comme une voûte. Cela ne s’est pas improvisé. On ne tire pas du néant des milliers de drapeaux et de hampes.
Dans la petite ville d’Erstein où le général avait installé son PC et dans les villages avoisinants, des sermons étaient prononcés, en français et en alsacien, pour la première fois depuis quatre ans, qui célébraient la libération. Il fallait voir, dans la demi-pénombre de l’église, ces visages d’hommes et de femmes dont la joie prenait une sorte de gravité enfantine, dont l’émotion, adoucie par le séjour où elle s’exprimait, communiquait à tous les yeux une sorte de naïve tendresse comme on voudrait la peindre sur une scène d’Adoration. Il fallait voir aussi, à la sortie de la messe, la petite place où se pressait une foule disciplinée, compacte, faite de vêtements noirs et de robes éclatantes tirés des grandes armoires alsaciennes pour un jour solennel. Taffetas et moires chatoyaient sur les corsages et les nœuds de rubans aux premiers rayons de soleil qu’on eût vus depuis plusieurs semaines. Une petite fille menue, aux cheveux pâles de lin qui, avec son énorme coiffure, avait l’air d’un papillon aux ailes écarlates, se tenait tout au premier rang, suçant son doigt.
Quand le général Leclerc et ses officiers descendirent les marches, elle se mit à battre des mains en sautant sur la pointe des pieds ; et puis, elle s’arrêta tout soudain, comme alarmée, parce que sa mère portait un mouchoir à ses yeux. C’est que, dans ces acclamations alsaciennes, il y avait une note grave : ce n’était pas une frénésie de libération, mais quelque chose qui rappelait une action de grâce. C’est aussi que, pour l’Alsace, cette joie, profonde comme un bonheur ramené de très loin dans le temps et dans l’espace, ne va pas sans angoisse :

En Alsace, on a connu les épreuves de toute la France et d’autres souffrances que le reste du pays n’a pas subies. On y a souffert de la conscription totale, d’une implacable intégration au monde germanique.

 

 

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