KOGENHEIM
Km= 1028
décembre 1944 – janvier 1945
13e BATAILLON DU GÉNIE
J.M.O. Extrait
En combattant, le groupement aborde l’ILL à SURMERSHEIM
Sans trève, le mouvement se poursuit, lié à la route, sans débordement possible. Les chars, l’infanterie et parfois le Génie d’assaut chargent les villages.
Les hommes sont canalisés dans deux bandes étroites, l’une entre le RHIN et le canal de la MARNE au RHIN, l’autre entre ce canal et l’ILL. De plus le pays est inondé ou détrempé.
Pendant que l’artillerie assomme les lisières, le Génie rétablit un pont après l’autre, et démine patiemment sous le feu adverse. Quand il y a une brèche à rétablir la Compagnie de Ponts pousse un détachement derrière les éléments de pointe.
Le 1er décembre à 11 h. 30, on entre dans KOGENHEIM, village sur l’ILL. L’artillerie ennemie s’acharne, des tirs d’infanterie partent des maisons.
L’ancien pont de pilots est détruit. C’est là ou peut être plus au Nord, qu’il faudra franchir. Le Commandement n’hésite pas longtemps.
Tandis que la Compagnie 13/4 établira une passerelle pour Infanterie, à SERMERSHEIM, ordre est donné de lancer un pont à KOGENHEIM,. seul emplacement accessible.
Pour la première fois, la Division va utiliser le matériel Treadway M 2. Il sera fourni par un détachement américain d’une compagnie d’équipages commandé par un Lieutenant.
C’est que le matériel de la Compagnie 13/16 est presqu’entièrement employé; le matériel disponible est insuffisant pour lancer un pont sur l’ILL. C’est pour cette raison que les Américains poussent alors du matériel Treadway M 2 qui n’a jamais été mis en oeuvre par personne, le Bataillon ayant du Treadway M 1 dont les caractéristiques sont différentes.
Cependant, les camions sont dans le village, serrés au plus près. Impossible de les faire retourner en arrière, ne serait-ce que pour les mettre à l’abri d’un bombardement. Les routes sont encombrées, et les camions ne passeraient pas. Ils seront arrosés toute la nuit et toute la journée sans que nos hommes puissent faire autre chose qu’espérer que des pertes ne seront pas trop lourdes.
Les séries de rafales d’obus semblent venir d’au moins deux batteries si l’on en juge par le groupement des points de chute. Elles ne tardent pas à causer des pertes. Les sapeurs GUERIN et MARTIN conducteurs du compresseur sont évacués. L’Adjudant-Chef BLAISE et le Caporal-Chef GRIMALDI de la 13/1 sont également blessés mais non évacués.
En complément des renseignements obtenus par la 1e Section de la 13/4, la reconnaissance des rives par la Compagnie d’équipages a lieu dans la soirée vers 18 h. L’infanterie occupe la rive droite et une passerelle a été établie par la 13/1 qui a utilisé pour ce faire, des éléments du pont de pilots détruit par l’ennemi.
La réalisation du pont s’avère assez difficile. Certes les fantassins tiennent quelques maisons de l’autre rive dans le premier faubourg de KOGENHEIM, mais des tirs de mitrailleuses parviennent jusqu’aux sapeurs. La rivière a une largeur de 40 m environ, mais le courant est sérieux et surtout l’inondation recouvre l’autre rive. De plus, l’emplacement pour le lancement du pont est difficile à trouver pour les raisons précédemment évoquées, mais aussi à cause des bâtisses qui bordent la rivière et risquent de gêner les manoeuvres.
Finalement un hangar va devoir être démoli.
Un Sherman vient ébranler et briser l’édifice qui s’effondre : un angledozer prend sa suite pour dégager les débris qui sont poussés à la rivière.
Maintenant, il faut franchir.
La plage est prête mais les accès sont difficiles : la rue du pont est si étroite qu’elle ne permet pas à deux véhicules de se croiser, seul un brockway pourra se placer dans l’axe du futur pont et encore au prix de savantes manoeuvres: Ces inquiétudes sont aggravées par des rafales qui viennent endommager les camions et qui transforment la grue en un brasier; pourvu qu’un brockway ne soit pas détruit sur la plage …
Mais il faut risquer; il faut passer !
Très vite surgit une nouvelle difficulté. Comment assembler ce matériel M 2 que personne ne connait, même pas l’officier américain ?
Heureusement le Lieutenant LOURIA avait fait gonfler dans la matinée un flotteur M2 dans la cour de l’école de SCHILTIGHEIM où cantonne sa Compagnie. Simple curiosité de connaître le ferry-set (1) que la 13/16 a reçu à CLEZANTAINE, à la veille de la ruée sur STRASBOURG.
La brochure en anglais lui a appris l’ordre de pose des 8 plaques. Inutile de dire qu’il va y avoir des tatonnements, des erreurs; en raison de l’étroitesse du chantier, le pont se fera par avancement.
Vont participer à la mise en oeuvre, la section de reconnaissance avec les Sous-Lieutenants SVASTA et DANNER, les 2e et 3e Sections de la 1e Compagnie avec le Lieutenant FRACQUE et le Lieutenant LEGRAND, la 1e Section de la 13/ 4, et un détachement de la 16e Compagnie avec le Capitaine GUILLERET, le Lieutenant LOURIA et !’Adjudant SMADJA.
La section de reconnaissance est chargée de la pose de platelages, des poutrelles de renforcement et des chemins de roulement.
Elle doit assembler les portières avec l’aide des sapeurs de la 13/4 quiapportent également leur soutien à la 1e Compagnie qui doit assurer les déchargements, le gonflage des flotteurs, la mise à l’eau, le maintien des portières dans le courant, les terrassements sur l’autre rive.
La 16e fournit un petit détachement qui se charge des ancrages.
Le travail est difficile et les sapeurs doivent s’y reprendre à plusieurs reprises.
Mais le plus pénible, le plus éprouvant, est bien le bombardement qui se poursuit sans arrêt. Les rafales de mortiers succèdent aux balles de mitrailleuses provoquant des dommages importants : des blessés dans le village, dont le sapeur ALBERTINI, mais aussi hélas des morts, tels BERTHOLO et MAHMOUD Ali, tous de la 13/1; des blessés dans l’infanterie qui tient la rive droite.
Tous ces malheureux sont transportés hâtivement sur la passerelle.
Spectable dantesque s’il en fût ! … Grouillement des hommes autour des camions, agents de liaison et blessés qui franchissent la passerelle, le tout sur un fond de fournaise, les maisons de la rive droite étant en feu, mais aussi d’eau à la fois noire, glauque et pourpre.
Haussant le tableau et repoussant l’obscurité des cieux, les flammes et la fumée qui s’élèvent en se tordant …
Vers 3 h. du matin, alors que le Commandant DELAGE vient se rendre compte de l’avancement des travaux, les hommes de la 1e Compagnie sont relevés par leurs camarades de la 1e Section de la 13/ 4 car, dans quelques heures, ils seront de l’attaque : déminage et assauts.
Le Génie sera présent, aujourd’hui encore, sur les deux théâtre d’opérations à la fois.
La section de reconnaissance n’est pas relevée. Il serait dangereux de changer ces «spécialistes» du matériel M2.
Au petit matin de ce 2 décembre, alors que le jour commence à poindre, le bombardement s’intensifie.
Un camion est sur le pont, avec aux commandes !’Adjudant SMADJA et le Sergent ROIG (1) et malgré les tirs le travail se poursuit :
“Je tremble, fait SMAJA,
Moi aussi, répond ROIG. Est-ce le froid, est-ce la peur ?
Les deux, je crois”.
Cependant ils restent en place, et quand le travail est terminé, le Lieutenant-Colonel GRAVIER leur serra la main, sans un mot.
Enfin, le pont de traversée de KOGENHEIM s’achève – Quelle joie bien sûr pour nos sapeurs, mais aussi quelle nuit !
J.M.O. 6/1er RMSM
(extrait)
Régiment de Marche de Spahis Marocains
6/1er RMSM: Journal de Marche (16/11—30/12/1944)
Dimanche 10 décembre 1944
À 7 heures, le 4ème Escadron quitte la position pour rejoindre BENFELD avec le 3ème peloton qui se rend à KOGENHEIM et SEMERSHEIM [SERMERSHEIM] pour relever les éléments du sous-groupement MOREL-DEVILLE qui occupent les deux localités.
L’Escadron du Lieutenant de Vaisseau POLY arrive avant l’aube à EBERSHEIM.
À 8h45, tir de harcèlement sur nos positions et sur le village.
Les reconnaissances et les passages de consignes s’exécutent dans la journée.
Le 2ème peloton fait mouvement à 16 heures par un itinéraire défilé sur KOGENHEIM.
Dans cette localité, le dispositif adopté est le suivant: un peloton, détaché à SOMERSHEIM [SERMERSHEIM?] (peloton ROSSINES) surveille le passage de l’ILL.
À KOGENHEIM, un peloton (Adjudant-Chef MARION) détache un groupe de combat en tête de pont, sur la rive droite de l’ILL et surveille cette rivière avec le reste de ses éléments.
Le dernier peloton (Sous-Lieutenant DESCORPS) assure la sûreté vers le sud.
Nuit: rien à signaler.
Lundi 11 décembre 1944
Deux déserteurs allemands, venant de MUTTERHOLZ, se présentent au poste de l’ILL. Ils sont acheminés sans délai sur le GTR.
À 11 heures, coups de l’artillerie ennemie sur SEMERSHEIM [SERMERSHEIM].
À 17h45, environ 20 coups de 105 sur KOGENHEIM.
À 19 heures, plusieurs coups d’artillerie de gros calibre, de direction indéterminée, sur KOGENHEIM.
Mardi 12 décembre 1944
20 coups de 105 vers 12 heures.
À 17h50, 10 obus de calibre indéterminé.
Le Spahi BECHIR BEN DJILLALI est tué par un éclat dans son cantonnement.
Nuit: rien à signaler.
Mercredi 13 décembre 1944
Le Chef PAYA Y PASTOR est évacué malade.
Le Chef SCHOPIN prend le commandement du 2ème peloton.
Le Spahi BECHIR BEN DJILLALI est enterré au cimetière de KOGENHEIM. Départ du Sous-Lieutenant DESCORPS en permission de convalescence.
Jeudi 14 décembre 1944
Le Spahi de 2ème classe IDAR BEN BOUJMAA est évacué malade. L’Escadron profite de son repos relatif pour présenter des revues: auto, armement, détail.
Le Spahi ALLAL BEN TAHAR 2219, affecté, rejoint l’Escadron.
Nuit: rien à signaler.
Vendredi 15 décembre 1944
Le Brigadier-Chef RULLAUD, le Brigadier BENAZETH, affectés, rejoignent l’Escadron.
Le Maréchal-des-Logis RAHAL, malade, est évacué.
Samedi 16 décembre 1944
Le Spahi AHMED LAGOUBI 2642 rejoint.
Bombardement de l’artillerie ennemie durant la nuit: 22 heures: 100 – 22 heures (?): 40 – 23 heures: 15. Plusieurs salves de 3 à 4 obus. Les Spahis SEROR et PARI sont très légèrement blessés par éclats.
À 22h15, une patrouille ennemie est mise en fuite par un de nos postes. Le Capitaine Commandant demande un tir d’artillerie au sud-est de KOGENHEIM.
Dimanche 17 décembre 1944
Vers 2 heures, coups d’artillerie ennemie sur la sortie nord du village.
Dans la journée, le Brigadier MOHAMED BEN MOKTAR 2500 rejoint.
Lundi 18 décembre 1944
Le Spahi BOUJMAA BEN AKMI 2652 est muté au 8ème Escadron.
Nuit: rien à signaler.
Mardi 19 décembre 1944
Vers 11 heures, une vingtaine d’arrivées sur la sortie sud de KOGENHEIM.
Le Spahi ALI BEN BARK rentre de l’hôpital.
Mercredi 20 décembre 1944
Le Médecin Sous-Lieutenant JORON rejoint le 4ème Escadron. Le Spahi AHMED BEN SALAH 2624, malade, est évacué.
Nuit: rien à signaler.
Jeudi 21 décembre 1944
À 9 heures, à la tête d’un groupe d’assaut, le Sous-Lieutenant ROSSINES passe l’ILL à SEMERSHEIM [SERMERSHEIM] et se rend au carrefour 892692 où il prend liaison avec les éléments qui tiennent ce point.
Il rentre sans incident à 12h15. À 18 heures, en vue de préparer l’exécution de l’ordre d’opération 191/R reçu dans l’après-midi, 2 escouades Bazooka sont envoyées au Lieutenant ODDO qui tient la partie ouest d’EBERSMUNSTER.
À 19h30, le Chef SCHOPPIN, à la tête d’une patrouille de son peloton, va reconnaître, par la rive droite de l’ILL, l’écluse 855696. Il atteint 161 sans encombre, mais l’obscurité ne lui permet pas d’accomplir entièrement sa mission.
La patrouille rentre dans nos lignes à 21 heures sans incident.
Vendredi 22 décembre 1944
Le Capitaine Commandant, avec une patrouille du 1er peloton et le Chef de LA SELLE, part à 9 heures, en vue de reconnaître le passage de l’ILL à l’écluse.
Celle-ci est trouvée libre et la patrouille pousse le long du BORNEN jusqu’en 859684 sans rencontrer d’ennemis.
De ce point, la route HILSENHEIM—EBERSMUNSTER est observée à la jumelle: quelques ennemis sont aperçus entre ce dernier village et le pont sur le BORNEN.
Il ne semble pas que l’ennemi ait décelé notre présence.
Retour dans nos lignes à 12h45.
Simultanément, une patrouille du Sous-Lieutenant ROSSINES est retournée au carrefour 892692 pour faire préciser, par les éléments qui s’y trouvent, l’emplacement des pièges tendus par eux.
Cette patrouille, partie de SEMERSHEIM [SERMERSHEIM] à 9 heures, rentre dans nos lignes, par KOGENHEIM, à 12 heures sans avoir observé aucune activité ennemie.
À 16h45, l’ennemi exécute un tir de harcèlement sur KOGENHEIM. Le Génie, venu travailler sur la passerelle, dont la solidité est compromise par suite de la baisse considérable des eaux, doit momentanément rompre son activité.
Samedi 23 décembre 1944
Ayant reçu l’ordre de préparer une opération sur EBERSMUNSTER, le Capitaine Commandant décide de reconnaître de près les positions ennemies.
Avec le Sous-Lieutenant ROSSINES et une patrouille d’un groupe de combat, il se rend, durant la nuit du 23 au 24, sur la rive droite de l’ILL qu’il franchit au barrage, 800 mètres au sud de KOGENHEIM.
Dès la tombée de la nuit, un groupe du 1er peloton tenait ce passage ouvert.
Le Maréchal-des-Logis BOUJMAA capture 3 Allemands venus en patrouille vers 22 heures.
À 2 heures du matin, le 24, quand la lune est disparue, le Capitaine Commandant, laissant le groupe d’assaut à 200 mètres du cloître, s’approche de celui-ci. Il parvient, suivi de ses 2 Half-Tracks à 10 mètres du mur, découvre une sentinelle qui ne le voit pas, reconnaît un emplacement d’armes automatiques et le cours du SCHWARTZLACHBACH.
Retour sans incident après que l’explosion d’une mine l’oblige à interrompre son investigation.
Mercredi 27 décembre 1944 (vers EBERMUNSTER)
4 heures: relève à KOGENHEIM des éléments en ligne.
5 heures: les éléments d’attaque quittent KOGENHEIM dans l’ordre:
3ème peloton (Sous-Lieutenant ROSSINES)
PC et groupe réserve (Brigadier-Chef BARKER)
Reste du 2ème peloton (Chef SCHOPIN)
1er peloton (Chef de LA SELLE)
…/…
La mairie, bâtiment remarquable datant de la fin du 19ème siècle
L’église paroissiale « Saint Léger » construite au XVIIIème siècle