HERBÉVILLER – Meurthe et Moselle


HERBÉVILLER

Km=994 


1er novembre 1944

 

 

 

 UN COMBAT D’ARTILLERIE

Pendant plus d’une semaine, des tirs quotidiens de batteries allemandes touchent le village auxquels répondent les 10 groupes d’artillerie français et américains.

Les combats font 5 tués : 1 soldat du 12 e RCA et 4 hommes du RMT dont le lieutenant Paul Batiment, fait compagnon de la Libération à titre
posthume.

Désormais, la 2 e DB est au contact direct de la ligne de défense allemande appelée Vor Vogesen Stellung.

 

 

 

Le 1er novembre, les éléments avancés du sous-groupement La Horie pénètrent sous un feu violent dans le village de Vaqueville.
Ils traversent le pont à l’entrée ouest miné par quelques Tellermines.
Le Génie cherche à les enlever malgré le tir intense des Allemands.
Un sapeur parvient à accrocher une des mines à la poignée et tire mais la mine, sans doute piégée, saute en détruisant une des deux arches du pont. Un contournement est rapidement trouvé à l’aide de rondins prélevés sur une barricade voisine.
Deux chars destroyers passent et permettent d’éloigner la menace ennemie. Le lendemain, deux franchissements sont réalisés à Ogéviller avec la pose de deux paires de chemins de roulement.
Toute la zone doit alors être nettoyée.
Ainsi le lieutenant Rencker saute sur une mine à Ogéviller. L’explosion de cinquante-deux Riegelmines, mises en dépôt, provoque la mort des sapeurs Gatouillat, Foata, Leterrier et Ahmed Aissa. Le caporal Grillot sera tué au cours d’un déminage sous les tirs d’artillerie.

 

Revue historique des armées – Le Génie – Hors-série – Septembre 2001
Les franchissements du 13e B.G. de la 2e D.B., de la Normandie au Rhin (1944-1945), par Michel Bunouf

 

 

PAUSE SUR LA BLETTE…
Extrait de “Les Loups de Leclerc” Jean-Julien FONDE
PLON 1982

 

La 6e cie occupe Ogéviller. Il pleut. L’artillerie ennemie terrible-ment active rend, de jour, les routes impraticables aux véhicules. Postes de guet et emplacements d’armes automatiques, enterrés et abrités des éclats, s’établissent à proximité des caves, consacrées comme lieux de repos. Des mines polluent les chemins, les sentiers, les layons forestiers.
La 3e de Jamot s’embusque dans le bois des Railleux, entre Herbéviller et Mignéville, afin de l’interdire aux audacieuses patrouil-les allemandes qui, de là, rayonnent, harcelant les défenses de Reclonville, Pettonville, Mignéville, et tendant des embuscades aux convois.
Mais là encore, l’artillerie ennemie réagit vigoureusement, contraignant les fâcheux à user de haches et de pioches et à creuser des abris couverts de rondins.

Le 5 novembre, la 6e cie, à pied, gagne discrètement Herbéviller où elle relève la 6e compagnie. La Blette partage le village en deux parties.
Les Fridolins occupent la rive droite où chaque matin ils viennent à l’eau et secouent leurs sacs de couchage.

Un beau jour, ils ne sont plus là.
Alors, par une passerelle de fortune construite sur les débris du pont, la 6e cie s’étend de l’autre côté, jusqu’aux vergers du haut du village. Au-delà, les carcasses de deux chars du sous-groupement Minjonnet, détruits lors de l’attaque du 1er novembre, témoignent de l’allant du lieutenant Bâtiment et des tankistes du 12e R.C.A.

Le 2e Bureau réclame des prisonniers. Comme d’autres expriment leurs besoins en cigarettes ou en chaussettes de laine.
Comme s’il suffisait de siffler à la cantonade…
Cependant, dans la soirée, l’adjudant-chef Rolland suivi du groupe Manfredi, emprunte la passerelle, franchit la ligne avancée de surveillance, et s’embusque dans l’une des dernières maisons du village, en plein no man’s land.

Deux heures passent.
Tout à coup, dans le froid nocturne et le silence de rigueur, des bruits de pas étouffés crispent les muscles des Loups aux aguets. Trois ombres venant de l’est se glissent dans les jardins et disparaissent dans une maisonnette isolée à cinquante pas.

Les gars du Ferryville s’approchent en éventail, à pas feutrés, mais Manfredi trébuche et, nerveux à la détente facile, il lâche une rafale.
Aussitôt les trois ombres ressortent et détalent. Une course effrénée de Rolland aboutit à la capture d’un pauvre diable de Fritz en maraude, sans arme, ahuri et tremblant de peur. C’est quand même un précieux prisonnier pour le 2e Bureau. Mais quel secret peut-il détenir ?

Non loin de là, près de l’église, Danon-Boileau repose dans son trou profond, abrité des batteries ennemies par le mur du cimetière.
Dans le clair de lune qui donne du relief aux choses, Guigon surgit des broussailles, la carabine à l’épaule gauche, une grenade dans le poing droit, quatre autres suspendues au ceinturon et aux bretelles. Il s’approche soucieux, se retournant fréquemment…

— Qu’y a-t-il, mon lieutenant? Vous êtes seul, poursuivi?
Guigon ne répond pas mais hoche la tête en souriant tristement.
— Vous avez eu tort de remonter dans le champ, en pleine vue, mon lieutenant. C’est comme ça que vous avez été…
Boileau ne peut achever. Il se raidit, angoissé dans son cauchemar habituel. Il ne peut oublier Guigon et sa mort…
— Ce n’est pas possible… Où suis-je?
Il se contraint à ouvrir les yeux, perçoit des explosions à distance.
Au-dessus de sa tombe-abri, le mur luit, doré sous la lune. Des visions du passé, immergées, reviennent à la surface. Il continue à rêver… à demi conscient…

— Vivre à la campagne, avec Martine. Tous les deux seuls, dans un beau paysage, avec des bouquins et des coquelicots et des marguerites
dans les blés. Martine en serre une gerbe dans son bras gauche…
Quatre explosions et des éclairs illuminent tout près, dans le cimetière. Il prend conscience, se retourne et, sérieusement cette fois, s’endort.

Le 10, l’artillerie ennemie, repérée sur le clocher de l’église, matraque durement, éventre des toitures, perce des voûtes de caves…
Ça illumine et ça explose devant la porte grande ouverte d’un hangar où l’équipe de 57 du Mateur déjeune, insouciante.
Des éclats foudroient le sergent Paul Hechsler, le blond légionnaire autrichien aux yeux bleus, antinazi résolu et Lucien Jéquier à la compagnie depuis un mois. Bark ben Tahar et David Cohen sont blessés. Les autres servants échappent de peu, mais la pièce est démantelée.

Ivanoff ne décolère pas, injuriant l’abominable artillerie ennemie, et accusant l’insouciance, faux synonyme de courage comme le panache qui interdit de s’abriter.
Le départ d’un lot de permissionnaires, lâchés pour quinze jours vers la vie paisible et le marché noir de l’arrière, ne ramène pas l’optimisme…
— Ça veut dire qu’on reste sur place. Qu’on va continuer à se faire matraquer et à « saluer ». Sans réagir.
Pourquoi qu’on va pas étriper ces salauds d’artilleurs hitlériens ? gronde le grand Josef qui vient de perdre un frère en Légion de plus et un compatriote.

Les autres approuvent.
Et en cette veille d’anniversaire de l’Armis-tice de 1918, passe le souvenir des anciens de la Grande Guerre, stoïques sous les avalanches interminables et combien plus meurtrières de Verdun ou de Montdidier.

Cependant, Josef paraît avoir été entendu.
Toute la nuit du 12 au 13, tous les canons de tous les calibres du monde se déchaînent. Ça souffle et ça hulule au-dessus, et les éclairs et les tonnerres vers l’avant répondent au roulement ininterrompu des coups de départ, à l’arrière.
La nature environnante s’inquiète, comme dans l’attente d’un cataclysme. Bieder, le meneur de jeu du Cap Serrât, blessé à Fontenoy-la-Joute un mois auparavant, rejoint, accompagné d’Irialour blessé à l’Étoile, toujours serein au plus fort du feu d’artifice.

L’aube du 13 se lève, sous un ciel gris et de gros flocons de neige. La canonnade ne faiblit pas.
Nul doute une opération d’envergure est en cours.
Un lieutenant d’artillerie arrive au PC de la 2e section, en l’absence de Maret. Il veut installer un observatoire face à Domèvre, à la crête de l’autre côté de la rivière, et il souhaite effectuer une reconnaissance jusqu’à trois meules de foin, oubliées là depuis la fenaison de l’été.

Toujours prêts au « casse-pipe », l’adjudant Jourdeuil, le chef Portas, le caporal-chef Teboul et Atlan le radio, accompagnent l’artilleur précédant l’équipe de mitrailleurs d’escorte.
Après le passage de la Blette, une progression prudente amène la patrouille à la crête, non loin des carcasses de chars du 12e chasseurs.
La mitrailleuse est mise en batterie. Sous sa protection, la marche reprend jusqu’à un ruisselet à sec. Là, Jourdeuil s’arrête…

— Ça sent mauvais. Nous n’avons pas d’ordres, et nous ne sommes pas en force. N’allons pas plus loin…
Mais l’artilleur persiste et s’éloigne vers les meules de foin, suivi de Portas et de Teboul qui s’esclaffent.
Toujours le panache. Et comment imposer la prudence à un Portas… Jourdeuil et Atlan inquiets, s’accroupissent dans le fossé, et carabines braquées, couvrent les trois imprudents.

Et la fusillade éclate. Portas, toujours pourvu de grenades, réagit promptement. Avec trois offensives glissées dans les embrasures, il fait taire un premier ouvrage dissimulé dans l’une des meules de foin. Et il attaque le second avec un égal bonheur, appuyé par Teboul.
Trois Allemands émergent, l’un après l’autre, les bras en l’air, et sur un geste, prennent la direction du ruisselet d’où Jourdeuil et Atlan ne cessent de tirer. Par contre, la 7,62 de Criquet s’est enrayée à la
première rafale.
Soudain, une mitrailleuse crépite du côté allemand. Le lieutenant d’artillerie s’affaisse. Une balle en pleine tête, Portas pique en avant. Deux prisonniers s’enfuient. Le troisième se retourne contre le solide Teboul qui s’aperçoit que le chargeur de sa mitraillette est vide.
Un combat singulier s’engage alors, à coups de crosse et de poings, comme dans les westerns, brutalement conclu par 1611 dit Moustache, l’un des mitrailleurs venu à la rescousse, d’un coup de carabine à bout portant.
Les deux fuyards, ajustés à partir du fossé, sont déjà morts.
L’artilleur, la mâchoire fracassée par une balle, s’est replié sur le groupe de protection, et de là vers le village.

Le drame s’est déroulé en quelques minutes. Il pleut à torrents.
La 2 tout entière, avec Maret, pousse jusqu’aux meules de foin et liquide les derniers occupants et la mitrailleuse meurtrière.
Deux brancardiers épargnés, avec leurs brassards marqués d’une croix rouge, se chargent du corps de Portas.

Une tempétueuse condamnation d’Ivanoff succédant à la verte mercuriale de Maret, accueille Jourdeuil, atterré, à son arrivée au village.
Portas est inhumé, pendant une accalmie du bombardement, dans le petit cimetière d’Herbéviller où il repose toujours. La température tombe subitement. Aussitôt après la cérémonie, Jour-deuil, Teboul, Atlan et l’équipe de mitrailleurs, repartent en patrouille le long de la Blette, vers le nord.

A la mi-nuit, sous la neige qui tombe à gros flocons, une unité du R.B.F.M. qui confirme l’offensive en cours, relève discrètement 6e cie. Et celle-ci, avec l’entrain d’une horde de clochards mouillés et glacés se replie en silence sur Ogéviller. Le mercure du thermomètre chute à moins 6 °C.

 

 

 

CARAVANE n°5 – Extrait

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