FRESNES (Val de Marne)


FRESNES

Km=555

Jeudi 24 août 1944

 

Scènes de la Libération de FRESNES
(Source : Ville de Fresnes)

 

 

(Source: Ville de Fresnes)

 

L’attaque de la prison de Fresnes

Le 24 août 1944, la 2ème Division blindée du général Leclerc est aux portes de Paris mais se heurte au sud à des défenses allemandes bien décidées à lui barrer le passage.
Sur la Nationale 20, à Antony, les éléments de tête du G.T.V (voir organigramme de la 2ème DB) sont arrêtés dans leur irrésistible élan.
Un canon de 88 tient le carrefour de la Croix de Berny, d’autres tirent depuis la prison de Fresnes à quelques centaines de mètre de là.
Impossible de passer sous le feu ! Il va falloir réduire l’obstacle. Le commandant Joseph Putz donne ses ordres.
Devant la mairie trois soldats allemands se sont cachés derrière des buttes de terre qui recouvrent d’anciennes glacières. Trois “Leclerc” arrivent, accompagnés de FFI locaux.
Le sapeur Dubouloz monte sur l’une des buttes mais est grièvement blessé par le lieutenant allemand Alspeter qui sera aussitôt abattu.
Dubouloz est amené à l’école des filles, une balle dans l’épaule, une dans l’aine, la troisième a été amortie par son portefeuille.
Il sera transporté à l’hôpital de campagne de Longjumeau où il décèdera rapidement.
Le capitaine de Witasse envoie la section du sous-lieutenant Jean Lacoste (501ème RCC/2ème Cie/2ème section) qui emprunte la rue A. Mounié à gauche puis prend la
rue Velpeau pour se retrouver à portée de tir du 88 de la Croix de Berny.
Le tireur du char Friedland, Branko Okretic, se montre plus rapide que les servants allemands et son obus de 75 fait voler en éclats l’antichar, un tracteur, un dépôt de munitions et tue quinze soldats.
La Prison est attaquée au nord par la section du sous-lieutenant Albert Benard (501ème RCC/3ème Cie/1ère section).
Le char Montfaucon détruit un blockhaus route de l’Haÿ les Roses.
A l’est, par l’infanterie du capitaine Emmanuel Dupont (3ème RMT/11ème Cie) appuyée par les chars de l’aspirant Marcel Christen (501ème RCC/3ème Cie/3ème section).
Mais sur la route de Choisy qui longe le mur d’enceinte de l’édifice la défense allemande est trop coriace.

Le sous-lieutenant Jacques Herry (501ème RCC/3ème Cie/2ème section) reçoit l’ordre de contourner et de revenir l’attaquer par le sud. Les chars La Marne, Uskub et Douaumont rejoignent la Mairie de Fresnes et empruntent l’avenue de la République au bout de laquelle on distingue les bâtiments.
Il est 19h00. Le guide local, aux dires des survivants, a un peu trop fêté la prochaine libération. Il est très confiant.
Derrière son canon de 88, le soldat Willy Wagenknecht est à l’affût. Il aperçoit le La Marne s’approcher.
Il tire et le perfore d’un coup au but. Le guide n’imaginait pas qu’un canon de 88 pouvait pivoter sur place et prendre l’avenue de la République en
enfilade…
Le sous-lieutenant Jacques Herry, les chasseurs Christian Dorff et Pierre Sarre sont grièvement brûlés, le chasseur Georges Landrieux est tué net, le chasseur Geoffroy de la Roche a les deux jambes coupées et décèdera dans l’ambulance qui le conduit à l’hôpital.

Le Notre Dame de Lorette, de la section Christen, parvient enfin à détruire le canon mais bascule dans la Bièvre qui coule le long de la route de Choisy. La voie est libre.

Les chars et les fantassins se précipitent dans la Prison où ils réduisent enfin la garnison. (lire le témoignage de l’aspirant Christen)
A 20h00, la section Montoya (3ème RMT/9ème Cie/1ère section) arrive du carrefour de la Croix de Berny et peut faire la jonction avec la section Christen.
Le nid de résistance de la Prison de Fresnes est tombé. La route de Paris est ouverte…

Le général Leclerc interpelle le capitaine Dronne et lui donne l’ordre de prendre quelques hommes et de filer à l’Hôtel de Ville.
Il est tard, le gros de la Division se mettra en route demain matin.
Le combat a été particulièrement meurtrier.

Thérèse Dugué, secouriste de la Croix Rouge, reçoit les blessés dans la salle de la Mairie reconvertie en poste de secours tandis que dehors le canon tonne et les mitrailleuses crépitent : “Les deux premiers morts arrivent, un soldat allemand tué par un résistant et un Français tombé sous une rafale de mitraillette. Les premiers blessés ensuite; certains mutilés, d’autres brûlés … ce sont les soldats du char La Marne. Les blessures sont tellement graves que les secouristes ne peuvent faire que des pansements provisoires en attendant de les diriger vers les hôpitaux.
Il y a des blessés et des morts tout le long de l’avenue de la République. Le carrefour de la Prison est un véritable champ de bataille: fils électriques arrachés, branchages jonchant le sol, sacs de sable épars et les chars … et le canon.
Le tout dans la nuit, éclairé seulement par les flammes d’une maison qui brûle …”

 

 

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Les combats pour la prison de Fresnes

Extrait de l’ouvrage : ” La 2e DB dans la Libération de Paris et de sa région”
De Trappes à l’Hôtel de Ville – Tome 1
Laurent FOURNIER – Alain EYMARD
Histoire & Collections 2009

 

…/…Nous l’avons vu, le sous-groupement Putz est bloqué au Pont d’Antony par un 88 embusqué à la Croix de Berny.
Le sous-groupement Warabiot reçoit l’ordre d’envoyer un détachement pour lui prêter main forte.
Le colonel Warabiot constitue donc ce détachement qui sera commandé par le capitaine Dupont, commandant la 1 1/IIIRMT.
Il est constitué par:

—La section de chars de l’aspirant Christen, la 3/3/501, soit 5 chars M4A2.
— Le M4A3 105mm La Marne, commandé par le sous-lieutenant Herry, et le M4A2 75 mm Uskub, chef de char sergent Dubouch, tous les deux de la section de commandement de la 3/501 .
— La section d’infanterie du lieutenant Bachy, la 3/1 1/IIIRMT, soit 5 half-tracks.
— La section du génie de l’aspirant Desjardin, la 3/3/13 Génie, soit 1 jeep et 3 half-tracks.
Ce détachement est appuyé par les obusiers M 8 « lance patates » du lieutenant Ettori de la CA3.

Le capitaine Dupont va attaquer la prison par l’est, le sud et l’ouest. La 3/3/501 de l’aspirant Christen va attaquer par l’est.
Deux chars, le La Marne et l’Uskub, vont attaquer par le sud et la 3/11 /IIIRMT du lieutenant Bachy, par l’ouest.
Ils seront appuyés par la 3/3/13 Génie de l’aspirant Desjardin.

La prison de Fresnes est défendue par des prisonniers dont la tenue fait penser à celle des soldats de l’Afrika Korps.
Un 88 est placé juste à l’entrée de la prison de manière à pouvoir couvrir la N 186 aussi bien vers l’est que vers l’ouest, mais il couvre aussi l’avenue de la République.
En face du 88, les Allemands ont placé un petit lance-roquette de 88 mm, un RVY43 « Pupchen » (petite poupée), dont la portée efficace est d’environ, 230 mètres.
Ces deux armes antichars sont, naturellement, protégées par de l’infanterie ou plutôt des détenus armés.

Il est environ 18 heures, l’attaque contre la prison de Fresnes démarre.

La 3e section de char de la 3/501RCC commandée par l’aspirant Christen, avance sur la N186 vers la prison par l’est; le capitaine Dupont les accompagne avec un groupe de la 3/11/III RMT.
Le M4A2 Grand Couronne, chef de char serqent Fournier, ouvre la marche sur la droite de la N186; il est appuyé par le M4A2 Hartmanswillerkopf qui, lui, avance entre le mur de la prison et les arbres qui bordent la N186. Son chef de char, l’aspirant Christen, n’est pas à bord : il avance à pied pour mieux guider ses chars, pratique courante dans les unités de la 2e DB, surtout dans les combats de rue où l’ennemi peut surgir d’une fenêtre ou de derrière un mur. Le M4A2 Notre-Dame de Lorettte, chef de char sergent Freudiger, lui aussi en appui du Grand Couronné, roule en retrait sur la gauche de la N186.
Le Dixmude, chef de char sergent Arnold, est resté à l’angle de la N186 et de l’avenue de Stalingrad (anciennement boulevard Paul Vaillant-Couturier), face à Paris, et l’Yser, chef de char sergent Génin, est à l’angle de l’avenue E. Herriot et de la N186, également à Paris aussi. Tous les deux couvrent les arrières de l’attaque.

Deux autres détachements sont partis pour l’attaque de la prison. L’un est constitué du M4A3 105mm La Marne, chef de char sous-lieutenant Herry, et du M4A2 Uskub, chef de char sergent Dubouch, accompagné par un groupe (c’est à dire 1 half-track, soit environ 10 hommes) de la 3/11/III RMT. L’autre détachement est constitué des groupes commandés par le sergent-chef Molina, le sergent Le Jan Alfred (son frère Guy est dans son groupe), chef du groupe mortier, et le caporal-chef Chita.
Ces deux détachements passent par le centre ville de Fresnes et redescendent vers la prison.
A un moment de leur progression, ils se séparent. Le détachement constitué du La Marne, de l’Uskub et d’un groupe de la 3/11 /III RMT, descend l’avenue de la République qui débouche devant l’entrée de la prison.
Les trois groupes de la 3/11/III RMT, les half-tracks 14 juillet 89, 8 novembre 42 et 18 juin 40, poussent un peu plus vers l’ouest pour ensuite se rabattre sur la prison.

Il est difficile, cinquante ans après, de relater ces combats dans le bon ordre chronologique, surtout quand l’attaque se produit de plusieurs côtés à la fois : je laisse donc la parole aux acteurs de l’époque. Voici le témoignage de M. Marcel Christen, qui était aspirant à l’époque et commandait la 3/3/501 RCC :
« Alors que les chars étaient en train de se positionner, j’ai vu le char La Marne qui se présentait dans une autre rue qui descendait également vers la prison. Il a immédiatement été touché de plein fouet par un obus antichar dès qu’il fut dans le champ de tir du 88. De là où nous étions, nous ne pouvions voir le canon en raison d’une petite construction en briques qui se trouvait au bout de la rue, entre les arbres et le mur de la prison. Peu de temps après, le Grand Couronné amorce une légère progression suivi du Hartmanswillerkopf, sans chef de char, du fait que j’étais à pied pour essayer d’y voir plus clair et pour pouvoir faire avancer les chars suivant les indications que je recueillais. Le Grand Couronné n’avait pas avancé de 2 ou 3 mètres qu’il reçut 2 impacts d’obus perforants sur la partie avant droite, là où le blindage très incliné offrait la plus grande résistance à la perforation. Les deux obus ont ricoché en faisant une gerbe d’étincelles et en arrachant le métal profondément, à la limite de la perforation.
Véritable miracle à chaque impact, le char fut comme soulevé de terre. Le conducteur (Georges Imhoff) eut le réflexe d’enclencher la marche arrière pour protéger le char de nouveaux tirs.
»

Ici une précision s’impose et elle nous est donnée par le conducteur du Grand Couronné, Georges Imhoff (natif d’Alsace) :
« Notre char a été touché cinq fois par un antichar adverse de 88 à 100 m de l’entrée principale de la prison; par une action à droite, j’ai sauvé le char perforé sur mon côté gauche de conduite. Le Grand Couronné a été touché 4 fois sur le glacis avant et une fois sur la caisse, à l’arrière, au niveau du compartiment moteur, mais sans pour autant endommager ce dernier. De ma place de chauffeur, à l’intérieur, j’ai vu le blindage rougir sous les coups répétitifs de 88. J’ai aussitôt tourné à droite pour sauver l’équipage et le char. Le cinquième obus a touché l’arrière de mon char. »

Donc, quand le Grand Couronné est touché par le 88, il est environ à 100 m de l’entrée de la prison; la portée efficace d’un 88 est d’environ 1 800 à 2 000 m en tir tendu et il peut percer un blindage de 99 mm d’épaisseur. Le glacis avant du Sherman présente un angle de 47° et le blindage, une épaisseur de 63 mm. Le Sherman de Georges Imhoff aurait vraisemblablement été détruit à cette distance, mais n’oublions pas qu’en face de l’entrée de la prison, les Allemands ont installé un RVV43 « Pupchen ». Le RW43 est une sorte de lance-roquette de 88 mm dont la portée efficace n’est que de 230 m. II est donc permis de penser que c’est ce dernier qui a mouché le Grand Couronné et non pas le 88 qui était à l’entrée de la prison.

Revenons un instant sur le La Marne qui vient d’être sérieusement touché et laissons M. Jacques Herry (parti de Roscoff sur un voilier, il a rejoint les FFL à Londres au début juillet 1940), sous-lieutenant à l’époque, nous relater ce moment dramatique.
Ce 24 août 1944, il a 22 ans et commande une section de chars de la 3/501 depuis trois jours:
« Les cinq chars sont garés en colonne dans l’avenue de Chevilly maintenant avenue de Stalingrad. […] Vers 18 heures, le colonel Warabiot me fait appeler: un canon de 88 devant la prison de Fresnes bloque la progression. Il faut Tel/miner. Ce sera chose facile, cor on va me fournir un guide qui m’amènera dans le dos du canon. Il me présente le guide, un habitant de Fresnes, dans un état d’exaltation extrême : « Je reviens du coin. On va avoir le canon par derrière. Vive la France… », etc. Le colonel m’enjoint de progresser sans me dévoiler et en ne tirant qu’en dernière minute, lorsque le « guide » m’indiquera que c’est le moment.

Je reviens aux chars. Le char Uskub m’accompagnera. Le « guide » monte sur le char, derrière la tourelle, chantant « Mourir pour la patrie ».
Son agitation ne m’inspire aucune confiance. Mourir pour la patrie, on n’y pense pas tellement. A 20 ans, on voit plutôt les autres mourir, mais pas soi-même. Pour l’instant, il s’agit de démolir le 88. En route.

« Les chars La Marne et Uskub foncent à l’attaque » écrivent Lapierre et Collins dans « Paris brûle-t-il ». Sottise. Les chars progressent lentement, avec précaution. Cette banlieue, avec ses petites maisons entourées de jardinets, c’est un vrai traquenard. L’énergumène est derrière ma tourelle.
Tous les habitants de Fresnes sont dehors. Les femmes en robes légères. Une foule d’été en liesse. Ils crient, applaudissent, agitent des drapeaux, lancent des fleurs, présentent des enfants à bout de bras. Nous arrivons sur une petite place noire de monde. D’un côté, une église, et puis aussi un bâtiment officiel qui ressemble à une mairie. Le « guide » m’indique qu’il faut s’engager dans une avenue qui descend. Autant il y a de monde sur la place, autant l’avenue est déserte, sinistre. Les chars sont arrêtés. Je descends et vais voir, à pied, à quoi ressemble cette avenue qui nous mènera dans le dos du 88 allemand. Elle est bordée d’arbres des deux côtés. Les feuillages se rejoignent, faisant une voûte sombre, que le soleil ne perce pas. Au bout de l’avenue, c’est encore plus sombre. Je ne vois rien de précis, mais ça me paraît suspect. Balancer un 105 explosif dans cette obscurité, voilà ce qu’il faut faire. J’interroge le « guide » : « Non, non, il faut encore avancer». Par radio, j’explique la situation, j’interroge le colonel. « Si l’habitant de Fresnes, qui connaît les lieux, dit que vous pouvez encore progresser, ne vous dévoilez pas. Vous ferez feu quand vous arriverez dans le dos du canon ». Je repars tout doucement, longeant la rangée d’arbres de droite 34. Nous progressons d’une centaine de métrés. Je scrute intensément l’extrémité obscure. Les arbres ne nous protègent plus. En une fraction de seconde, je comprends: cette masse sombre à cent mètres, c’est un canon camouflé. Je donne un coup de genou à de la Roche. Dans le micro, je hurle : « Tire ! ». Un grand éclair blanc… Puis le silence et le calme. De jolis petits nuages blancs glissent dans le ciel bleu. Allongé sur le dos dans le char, je les regarde défiler par le volet de la tourelle. Le rêve se dissipe, je sors de ma torpeur. Des flammes m’entourent. Ma combinaison brûle. Je me hisse sur la tourelle et je saute. En me roulant sur le sol, j’éteins ma combinaison. Des salves de mitraillettes tout près. Je suis allongé sur un char, derrière la tourelle. II revient en arrière dans les rues pleines d’habitants de Fresnes, qui crient et chantent. Ma jambe cassée et mes brûlures commencent à me faire mal. Près de moi, /-Geoffroy de la Roche n’a plus de jambes. II est en train de mourir. Dans l’allégresse générale, on nous couvre de fleurs. Je ne vois plus, mais je sens l’odeur des rosés autour de moi, sur moi et Geoffroy. Tout à l’allégresse de leur libération et à l’excitation des combats près d’eux, les habitants de Fresnes jetaient des fleurs aux équipages des chars. Inconscients de notre état, ils nous lançaient des fleurs, joyeusement. Landrieux est resté dans le char. L’obus de 88 lui a enlevé la tête. L’erreur de notre guide est venue de ce qu’il avait vu le canon de 88 braqué vers le haut de ce qui est maintenant l’avenue de la Division Leclerc et de ce qu’il ne savait pas qu’un 88 de DCA, car c’en était un, peut effectuer une rotation totale de 360 °. »

Le 88 n’a pas manqué sa cible, le résultat est terrible: le chef de char le sous-lieutenant Herry est grièvement brûlé et il a une jambe cassée; le chasseur Dorft, le radio-chargeur, est lui aussi grièvement brûlé; le conducteur, le caporal Pierre Sarre, français du Mexique, a le bras gauche arraché; le chasseur de seconde classe Georges Landrieux, aide-conducteur, a été décapité et le tireur, le caporal Geoffroy de la Roche, 18 ans, a les deux jambes arrachées et mourra de ses blessures à l’hôpital. Le sous-lieutenant Herry n’était pas rassuré et malheureusement le combat ne fait que commencer.
Revenons au témoignage de Marcel Christen:

« Voyant qu’il ne serait pas possible d’affronter le canon de face ni de côté, je fais effectuer par le Hartmanswillerkopf un tir d’obus perforant et explosif au travers de la baraque qui nous obstruait la vue sur le 88 et qui nous protégeait également de celui-ci. Deux coups heureux qui mirent le feu, entraînant l’explosion de son stock de munitions et de la destruction du canon. Immédiatement après l’explosion, je me précipitai à pied, suivi du capitaine Dupont qui se trouvait non loin de là, jusqu’au carrefour. A peine arrivés, j’ai vu le capitaine Dupont s’affaisser, tué net par l’éclat d’un obus qui avait explosé tardivement ou par un tireur isolé embusqué derrière le mur du parc de la prison. »
Marcel Christen poursuit:
« Profitant de cette opportunité, le Notre-Dame de Lorette dépasse le Grand Couronné ef se présente devant le canon détruit, le bouscule et entre dans le parc de la prison. Malheureusement, il s’enlise dans un petit cours d’eau sans espoir d’en sortir. Pendant ce temps, la N/llIRMTse précipite dans la cour de la prison, fait prisonniers les Allemands qui défendaient les bâtiments et libère les détenus. »
Les événements vont vite et il est difficile de tout voir en même temps.

Le sergent Freudiger, chef de char du Notre-Dame de Lorette nous relate son épopée dans l’assaut de la prison de Fresnes:
« Le 24 août 44, lors de l’attaque de la prison de Fresnes, mon char est parti à l’attaque en longeant la N 7 86 par la gauche. Nous étions légèrement en contrebas de la route d’à peu près I mètre, ce qui avait l’avantage de diminuer la surface offerte aux tirs de l’ennemi du fait de la haute silhouette que représentait le Sherman. Toutefois, notre progression ne passe pas inaperçue et provoque de la part du 88, embusqué dans l’entrée de la prison, des tirs qui nous manquent de peu. Un premier coupe un arbre qui tombe tout près de nous ; un deuxième coupe notre antenne alors que notre char passe sur une bosse et, de ce fait, est soulevé ; un troisième obus coupe un câble (servant à sortir le char de l’enlisement], ricoche sur le glacis avant et me frôle le visage. Une rage folle me prend (est-ce le fait de servir de cible ou l’envie d’en finir au plus vite ?) et je dis à Leduc (notre conducteur) de foncer vers la prison, ce qu’il fait après avoir tourné sur la droite, défonçant le mur d’enceinte (de ce fait me recouvrant de poussière et recouvrant le char de briques), Nous tournons à gauche et nous nous retrouvons sur l’allée principale de la prison. Nous tournons une nouvelle fois à droite, et voyant le 88 derrière nous, je dis à Leduc de reculer : les Allemands pris de pan/que se dispersent et nous reculons le 88 sur la nationale, ou presque. Nous repartons à l’attaque de la prison, écrasant les véhicules qui sont sur notre passage, et nous fonçons droit devant nous, défonçons la porte d’un garage se trouvant au fond de l’allée. A l’inférieur, un car plein de soldats est en train de démarrer : notre tireur, Debaume, ne lui en laisse pas le temps et lui envoie un obus qui le fait exploser avec les soldats dedans, tout ceci sans nous arrêter. Puis nous tournons à gauche pour repasser au travers d’un mur pour enfin finir notre folle équipée dans un petit cours d’eau qui n’est autre que la Bièvre. Je quitte mon char pour aller prévenir mon chef de section, ceci en rampant, car les Allemands embusqués sur les hauteurs de la Croix de Berny nous tirent dessus. J’entends un véhicule civil qui a du mal à démarrer : en fait, il s’agit d’un officier allemand qui finit par se sauver à pied suite à cette tentative ratée. J’essaie d’en faire autant, sans réussite, et finis par aller à pied et rejoins le reste du groupe devant la prison. »

La 3/11/III RMT a pour mission d’attaquer la prison par l’ouest. Les half-tracks 4 juillet, 8 novembre 42 et 18 juin 40 formant le reste de cette section et qui sont passés par l’ouest de Fresnes, sont laissés en arrière sur un terrain vague ; les hommes, emmenés par le lieutenant Bachy, progressent à pied. Ils progressent à plat ventre du fait des tirs de mitrailleuses et de mortiers.
Pendant l’attaque de la prison, la 11/III RMT va perdre beaucoup d’hommes. Outre le commandant de la 11e compagnie, le capitaine Dupont, seront tués le sergent-chef Salvador Molina, originaire de Barcelone, chef du groupe du half-track 14 juillet, les soldats de première classe Gaston Doux, François Mamo, originaire d’Alger, Roger Lamotte, le soldat de 2e classe Fernand Meunier et le soldat Henri Charmette, natif de Roanne.
19 hommes de la 11/III RMT sont blessés pendant cette attaque. Le peloton du lieutenant Vézy, le 1/3/1er RMSM, est allé se poster à l’est de la prison, sur le boulevard Paul Vaillant-Couturier (aujourd’hui avenue de Stalingrad). Le peloton se fait « allumer » par des Allemands en position dans le château d’eau de la prison transformé en blockhaus. Les spahis ripostent avec leurs armes lourdes, les 12,7mm et les 37 mm ; l’un des réservoirs vole en éclat. Les Allemands cessent leurs tirs après s’être fait « arroser » pendant cinq minutes.
Plus tard, des civils voient un groupe de neuf soldats allemands s’enfuir de la prison en direction de Paris et ils en informent les spahis.
Le lieutenant Vézy envoie une ou deux AM à la poursuite des Allemands. Les spahis partent en direction de Paris et, arrivés à la hauteur du chemin vicinal qui est dans le prolongement de la rue Calmette (aujourd’hui rue Gallieni), ils les interceptent et engagent le combat, tuant les neuf soldats parmi lesquels un lieutenant. Ils seront inhumés vers 21 h 30, non loin du lieu de leur décès.


Le peloton cantonne sur place, prêt à se porter sur Paris, mais l’ordre de mouvement ne sera pas pour ce soir.
Par contre, dans la soirée, les spahis verront la colonne Dronne passer devant eux.
Un deuxième verrou vient de sauter, mais le sous-groupement Putz n’a toujours pas la voie libre.