Jeudi 24 août 1944
Située à l’Est de l’axe principal emprunté par le GT V lors de sa marche vers Paris.
Traversé vers 10 h 30 par le sous-groupement Warrabiot progressant de Villiers-sur-Orge vers Savigny-sur-Orge qu’ils abordent par le Chemin des Meuniers.
(Source : La 2e DB dans la Libération de Paris – Laurent Fournier & Alain Eymard)
Passage du groupement Warabiot à Epinay-sur-Orge le 24 août 1944 ( Crédit Pierre MARTEAU )
Passage du groupement Warabiot à Epinay-sur-Orge le 24 août 1944 ( Crédit Pierre MARTEAU )
Objectif : Paris par le sud, sur l’axe de la route nationale n° 20 (Orléans-Etampes-Paris).
L’ordre initial fixe l’axe du mouvement : Limours, Arpajon, Bourg-la-Reine, porte d’Orléans, et dans Paris, l’Observatoire, le Panthéon, le pont de la Cité, la gare de Lyon, puis Vincennes et Nogent-sur-Marne.
Avec les chefs de section, je pointe rapidement sur la carte les transversales et les principaux obstacles sur lesquels nous risquons de rencontrer des résistances organisées. J’éprouve personnellement une aversion déterminée à l’égard des grands itinéraires, qui sont toujours défendus et pris d’enfilade. Systématiquement, a priori, je renouvelle la consigne permanente : dès que nous arriverons au contact, quitter la grand’route, manœuvrer par les petites rues, ne pas se laisser fixer, déborder, se renseigner constamment auprès de la population.
Nous dépassons Arpajon, traversons Montlhéry, arrivons devant Longjumeau, Les gens sortent des maisons, envahissent la route malgré l’heure matinale, entourent les voitures, embrassent les soldats, chantent, crient. Cet accueil chaleureux nous bouleverse.
A 8 heures, devant Longjumeau, la tête du sous-groupement Putz se heurte aux premières résistances allemandes.
Avec un petit détachement composé d’une section de chars Sherman du 501 et de la section du sous-lieutenant Elias, je reçois mission de procéder au nettoyage d’une zone à l’est de l’axe, vers Ballainvilliers.
Nous nous déployons ; ça et là, quelques Allemands s’accrochent, l’infanterie d’Elias descend de voiture et progresse à pied, appuyée par les chars.
Les balles incendiaires mettent le feu à la toiture d’un hangar, qui bientôt flambe comme une torche.
De très brefs engagements se succèdent. Le soldat Vega Juan tombe, grièvement blessé d’une rafale, il traînera pendant des mois douloureux d’hôpital en hôpital. Bien que l’équipage s’en défende, il a manifestement été transpercé par une rafale de mitrailleuse tirée par un de nos chars. Le détachement ramasse deux prisonniers éberlués, rapidement interrogés.
Les deux autres sections de la compagnie effectuent un ratissage à l’entrée de Longjumeau.
Là aussi les accrochages sont brefs et répétés. Les Allemands sont dispersés en plusieurs petits points d’appui. Nos deux sections ramassent une quarantaine de prisonniers.
Les deux détachements n’ont pas le temps de décompter les morts allemands.
L’action d’ensemble du sous-groupement est lentement menée, davantage dans l’esprit fantassin que dans celui qui doit animer une division blindée.
On s’obstine à faire sauter les unes après les autres de modestes résistances tenues par des effectifs faibles et modérément combatifs.
Il faudrait aller vite, déborder, ne pas nous figer sur l’axe. Les ordres sont les ordres.
Les accrochages se succèdent au milieu de la foule ; des vagues de civils, hommes, femmes, enfants, sautent sur les voitures, refluent et s’éparpillent quand claquent rafales ou coups de canon, reviennent dès que le feu se calme.
Reiter reconnaît que les Parisiens sont moins prospères que les Normands.
Le visage amaigri de la plupart d’entre eux montre que le ravitaillement doit poser des problèmes ardus.
Le 23 août : enfin vers Paris !
Le 24 août : arrivée à Longjumeau ; quelques coups de feu révèlent la présence de l’ennemi aux abords de Longjumeau.
Le 2ème peloton aux ordres du lieutenant Moore reçoit la mission de coiffer et de nettoyer la crête qui protège le village au sud-est.
Nous ne rencontrons que de faibles résistances de l’infanterie ennemie, en tuant quelques uns et capturant 30 prisonniers et ramassant 1 canon anti char de 37 mm et son tracteur. Pas de pertes pour nous.
À Wissous, le lieutenant Moore emmène une petite patrouille et ferme les vannes que l’ennemi était en train d’ouvrir pour inonder la région.
Résultat, 4 prisonniers.
À 6h30 du matin, mon peloton est mis aux ordres du sous-groupement Noiret.
Amputé de mon adjoint, l’aspirant Paul Willing (prêté au 1er peloton avec sa jeep) et de mon obusier de 75. Ma mission consiste à ouvrir la route et guider le sous-groupement d’une part, jusqu’à la porte d’Orléans et d’autre part, de la porte d’Orléans à l’avenue de Suffren, en passant par les quais de Seine (usines Citroën).
Colonel Fred Moore – 1er RMSM
Note : composition du 2ème peloton :
3 AMS Marmon-Harrington (peu armées de série mais transformées par l’aspirant Moore dès sa perception en Égypte en juillet 1942) ;
1 AM de commandement équipé d’un canon allemand de 28/20, antichar récupéré en Tunisie ;
1 AM canon de 25 antichar français ;
1 AM d’origine
1 véhicule 4×4 récupéré également, pour transporter un groupe de soutien avec mes marocains, soit 6 hommes.
Effectif total du peloton : 18 personnels.
HISTOIRE D UN COUP DE TÉLÉPHONE
Le 3ème escadron du R.B.F.M. fait partie de la colonne qui part d’Arpajon et attaque sur l’axe de la porte d’Orléans.
La colonne est bientôt arrêtée par des antichars, devant Longjumeau.
La cote 136, un peu en arrière, épaule la résistance de Longjumeau. Il faut la réduire. Le lieutenant de vaisseau Bonnet est chargé de s’en emparer avec les 2e et 3e pelotons de son escadron.
Le 2e peloton est commandé par Lacoin.
Lacoin est un enfant des Carmes, j’entends du quartier des Carmes. C’est le quartier contigu au Luxembourg qui vit comme une province au cœur de Paris, étranger aux bruits du monde, rassemblé autour du vieux monastère, comme un troupeau autour de son pasteur.
Le mysticisme y fleurit autant que l’herbe entre les pavés. Lacoin est un mystique. S’il n’était pas marin, il serait apôtre de la foi. II a un aîr lointain. le regard plein de la certitude éternelle. Et il donne l’impression d’avoir les pieds posés sur des nuages, comme les saints des images pieuses.
Au combat, cette indifférence pour les « choses de ce monde » se traduit par une sorte d’inconscience du danger. Les balles et les obus peuvent siffler autour de lui. Lacoin les regarde tomber avec détachement. Il n’imagine pas qu’ils puissent traverser son corps céleste. Avec des idées pareilles, il jouit évidemment d’un grand prestige auprès de ses hommes.
Au combat de la cote 136, tout le monde pense que ses propriétés miraculeuses vont être mises à rude épreuve : une cinquantaine de fantassins i>o-ches, embusques là, avec quatre mil railleuses, ont juré de se défendre jusqu’à la mort.
Mais au cours de l’attaque, l’Oberleutnant qui les commande, est abattu un des premiers. Impressionnés par sa mort, autant que par la vigueur de l’assaut, les Boches ne tardent pas à se rendre.
L’épreuve n’a pas été concluante pour Lacoin. Il réserve ses démonstrations pour l’avenir.
Pour le moment, à peine le combat terminé, il descend au village de Champlan et se précipite au téléphone.
On l’entend demander un numéro… à Paris !
Téléphoner à Paris, ça alors c’est encore une propriété miraculeuse. Les hommes en sont « soufflés » !…
« Sûrement qu’au bout du fil y aura une voix céleste… »
Et l’indiscret qui a pris l’écouteur entend : « Ah ! tu n’es plus à Casa. Ah ! avec le général Leclerc. Dépêche-toi, on t’attend. »
Extrait de : Raymond MAGGIAR- « Les fusiliers Marins dans la Division Leclerc »
A Longjumeau un bombardement allemand tue les chasseurs Ali Moussa, Hanza Djelouli, Michel Le Saoult et Bernard Guinlat du 501ème RCC ainsi que le marsouin Henri Charmette de la 11ème compagnie de combat du 3ème RMT et Albert Chlopecki du 13ème Bataillon médical