ENGHIEN-les-BAINS
Samedi 26, Dimanche 27, Lundi 28 août 1944
Les combats du carrefour des 3 communes à Enghien Les Bains le 27 août 1944
Nous avons vu la même chose, quoique CUSIMANO étant placé sur ma droite a mieux vu, mais un conducteur est aussi très attentif à toute ce qui se passe, les épiscopes sont formidables pour cela.
C’est gentil de la part de CUSI d’avoir évoqué ce combat qui, je crois, était inégal, car l’ennemi disposait de matériel beaucoup plus puissant que nous, mais l’avantage de quelques secondes sur eux, nous a été bénéfique, et également le rôle du F.F.I qui nous a guidés.
Nous sommes partis d’Epinay en suivant un F.F.I. à bicyclette ; là je ne suis pas formel, les motos à l’époque étaient rares. Je peux me tromper, l’essentiel, c’était de le suivre.
Ce F.F.I. nous précédait d’une cinquantaine de mètres : cette rue devait être parallèle à l’avenue principale, avec des rues transversales, aussi je faisais très attention à tout car l’ennemi pouvait être partout, quand tout à coup, je vois sur ma droite dans cette avenue, une masse en mouvement d’une couleur se confondant avec l’environ-nement. J’ai vu la moitié de sa croix noire, j’ai immédiatement freiné tout en disant par l’interphone « – attention à droite », immédiatement le premier coup est parti, j’avais à peine arrêté le T.D., puis un deuxième obus et voilà que le char ennemi s’en va. Je me suis dit alors qu’il va bien se placer pour nous tirer. Mais non ! nous avons continué notre route jusqu’au carrefour des Trois Communes, contre le café du même nom qui avait ses rideaux métalliques baissés. Tout se passa très vite. Devant nous, contre un muret surmonté d’une grille, deux soldats ennemis en position de tir et qui sans doute nous croyaient des leurs. Un perforant a eu raison de l’un d’entre eux, l’autre s’est levé tout en se tenant la tête et a disparu. Ils servaient une mitrailleuse. Dès lors, l’attente semblait longue quand un obus est arrivé sur la façade de l’immeuble qui séparait les deux rues, avec au rez de chaussée un salon de coiffure.
J’oubliais de dire que sur notre gauche, une immeuble avec une épicerie, dont les épiciers, qui étaient dans leur cave, ont tout vu par le soupirail.
Mais contre cet immeuble, il y avait un homme muni d’un appareil photo, dont je me méfiais de sa présence, car de toute évidence, il signalait à l’ennemi notre présence, je pense que c’est lui qui a pris la fameuse photo de notre tir.
Je continue donc à raconter les nombreux obus qui sont arrivés sur cet immeuble quand tout d’un coup, je le vois en entier avec sa croix noire, un MARK IV. Lui aussi nous a vus mais a commis l’erreur d’essayer de nous éviter et, nous présentant son flanc, un seul perforant en plein milieu, une explosion formidable, tous les pavés sous lui avait été pulvérisés.
Il ne restait du char qu’une partie du châssis ainsi que les restes du conducteur déchiqueté. Ils n’ont pas souffert.
Ensuite, la jeep de notre lieutenant ALLONGUE est arrivée sur place et j’ai remarqué qu’ils saignait de sa jambe droite.
Ce fut le tour du quartier maître électricien MARTIN qui est monté sur l’avant du T.D. en me disant : « -je vais t’en chercher d’autres ». je lui a répondu que c’était plein de boches.
C’était la dernière fois que le voyais vivant, hélas ! il habitait Pléhedel non loin de Pleumeur Gautier. Je ne sais pas qui nous a remis la pavillon à croix gammée. Donc, je reviens au premier char que nous avions tiré et qui était parti. C’est le F.F.I en question qui l’a retrouvé abandonné. Quant à l’intérieur de sa tourelle, c’était un carnage… D’après lui, c’était un « FERDINAND » de 70 T dont la tourelle se trouvait complètement à l’arrière. Voilà comment le combat d’En-ghien, ou plus exactement le combat du Carrefour des 3 Communes s’est déroulé.
Nous avons eu beaucoup de chance !
CUSIMANO et AUFFRET (T.D. « OURAGAN »)
Caravane n° 473
D’ailleurs, par la suite, une plaque a été scellée sur l’immeuble du café des 3 communes en remerciement des combats
des Fusiliers Marins du 1er Peloton du 4e Escadron.
La Plaine-Saint-Denis
Dans l’après-midi et la nuit du 26, Roumianzoff a poussé au delà des portes, s’est établi à Saint-Denis, a porté des reconnaissances jusque vers Enghien.
Il a dû les retirer : encore une fois, l’ennemi raccommode sa déchirure, ramène une division du Pas-de-Calais, l’appuie à la forêt de Montmorency et au Bourget. Ces renforts, qu’on avait pu craindre de voir arriver à temps pour intervenir dans Paris même, doivent maintenant recueillir les éléments importants qui refluent encore par la boucle de Conflans, barrer les routes de Senlis et de Soissons, garder quelques jours l’indispensable vallée de l’Oise.
De leur nouvelle ligne, les Allemands reviennent sur les villages qui se sont spontanément libérés, cernent les F.F.I. dans les mairies, exécutent sommairement des otages ; leurs chars réapparaissent à Aubervilliers. Les coups de téléphone que nous recevons pendant ces heures-là sont souvent pressants et tragiques.
Tandis que le groupement Billotte reste en couverture à l’ouest de Paris (il va ensuite franchir le pont de la Défense et patrouiller la boucle jusqu’à Saint-Germain, Chatou et Aubevilliers) et que la 4e Division d’infanterie américaine attaque le bois de Vincennes, les groupements Langlade et Dio quittent dans la nuit du 26 au 27 leurs emplacements parisiens pour se partager la Plaine-Saint-Denis. Le Général y porte lui aussi son P. C., d’abord un débit dont la propriétaire, Bretonne à qui le bombardement de Fougères vient d’enlever ses deux parents, nous adopte tous et nous donne discrètement tout ce qu’elle a, puis la gare de marchandises, où nous nous étayons encore une fois sur les solides cheminots.
Les deux groupements attaqueront les 27, 28, 29 et 30 vers Montmorency et vers Gonesse, pour sortir des agglomérations et conquérir, entre la boucle d’Enghien et le canal de l’Ourcq, où opère la 4e Division d’infanterie américaine, une nouvelle base de départ. Certains combats seront encore meurtriers. Au Bourget, que Dio aborde à la fois par les lisières de Dugny et par la grande porte du terrain, l’ennemi occupe des tranchées aux lisières des hangars. Un flottement se produit chez quelques-uns des défenseurs, des drapeaux blancs s’agitent. Quand nos officiers s’avancent pour forcer la reddition, d’autres groupes fanatiques les prennent à parti. Sammarcelli, Kirch sont touchés ; le commandant Corlu, un de nos plus vieux compagnons, succombera demain à ses blessures.
Les chars de Gaudet reprennent l’attaque à bout portant. Le terrain est nettoyé impitoyablement. A la nuit, une dure contre-attaque y débouche : elle est menée par des renforts qui apprennent à la dernière minute (et à leurs dépens) la situation. Ils arrivent du Pas-de-Calais à bicyclette, croyant la route libre pour eux jusque et y compris Paris.
Le 30, enfin, nous serons dépassés par la 28e Division d’infanterie et la 5e Division blindée américaines, qui pousseront rapidement sur Senlis, Compiègne et sur l’Oise. La guerre quittait la région parisienne et s’avançait à grands pas vers l’est.
(Source: La 2e DB – Général Leclerc – En France – Combats et Combattants -1945)